La crise économique pèse lourdement sur la santé des banques européennes, forçant plusieurs États à prendre des participations accrues dans le capital d'établissements importants, voire même à considérer leur nationalisation.

La Grande-Bretagne a franchi un nouveau pas cette semaine en annonçant une injection additionnelle de 15 milliards d'euros dans la Royal Bank of Scotland (RBS). L'État, qui contrôlait déjà 70% de l'entreprise, recevra en contrepartie des actions «spéciales» qui ne feront pas augmenter sa participation officielle au capital de manière à éviter une nationalisation pure et simple.

 

Le gouvernement anglais se portera par ailleurs garant des actifs de la banque, estimés à plus de 350 milliards d'euros. La banque, qui a annoncé hier une perte nette de 28 milliards d'euros pour 2008, n'aura qu'à assumer 10% des pertes découlant de leur dévaluation éventuelle.

Dans la même veine, l'Allemagne a mis de l'avant la semaine dernière un projet de loi prévoyant la possibilité de nationalisations bancaires. Berlin pourrait l'utiliser pour sauver la banque immobilière Hypo Real Estate, qui demeure fragile malgré l'injection massive de capitaux par l'État.

Bien qu'elle se garde de parler de nationalisation, la France se montre aussi de plus en plus interventionniste dans le secteur bancaire.

La Caisse d'épargne et la Banque populaire, dont les bilans étaient fortement affectés par les piètres performances de la banque d'investissement Natixis, ont décidé de fusionner leurs activités. L'État français, qui a exercé de fortes pressions à cette fin, injectera cinq milliards d'euros pour recapitaliser le nouvel établissement et prendra, à terme, une participation de 20% dans la nouvelle entité.

L'initiative suscite une vive polémique parce que le président français Nicolas Sarkozy a imposé à la tête du groupe un de ses adjoints élyséens, François Pérol, qui a travaillé sur le projet de regroupement.

La Commission européenne a évoqué la possibilité de nationalisations bancaires dans un document préparé cette semaine à l'attention des États membres.

«La propriété publique d'une banque peut constituer une alternative» viable pour la remettre sur pied puisqu'elle limite «l'incertitude» entourant l'estimation de la valeur des actifs, indique l'institution, qui prévient les États de ne pas prendre d'engagement susceptible de compromettre leur propre santé financière.

La mise en garde a une résonance particulière pour la Belgique, qui avait pris le contrôle de la banque d'affaires Fortis à l'automne pour éviter sa faillite. Le plan était de revendre rapidement les actifs à la banque française BNP Paribas, mais il a été torpillé par un vote des actionnaires, plaçant le gouvernement dans l'embarras.

Le renforcement en Europe des participations étatiques dans les banques survient alors que la possibilité de nationalisations est de plus en plus ouvertement évoquée aux États-Unis.

Là comme en Europe, la question des actifs «toxiques» demeure une préoccupation centrale. L'ex-président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, dont la crédibilité a été fortement entamée par la crise, a déclaré qu'il était possible qu'une «nationalisation temporaire» de certaines banques soit nécessaire pour faciliter leur restructuration.

L'économiste Nouriel Roubini, rattaché à l'Université de New York, croit pour sa part que la nationalisation de plusieurs grandes banques est inéluctable et se fera d'ici six mois.

Bien que l'idée fasse hausser bien des sourcils aux États-Unis, particulièrement dans le camp républicain, elle n'a rien de «bolchévique», assure M. Roubini, qui y voit une manière «pragmatique» de procéder à la réorganisation du secteur bancaire.