Alors que plusieurs fonds ont gelé leurs transactions au Royaume-Uni dans la foulée du Brexit, la Caisse de dépôt et placement du Québec n'a toujours pas pris de décision quant à ses actifs immobiliers d'environ 2 milliards de dollars à Londres. Pour l'heure, l'institution reconnaît ne pas être «immunisée» face aux turbulences du marché. Et mise sur la prudence.

GROS PORTEFEUILLE À LONDRES

Ivanhoé Cambridge, la filiale immobilière de la Caisse, a complètement revu sa stratégie d'investissement en Europe en 2013. Le groupe s'est depuis départi d'une série d'actifs sur le continent pour concentrer presque toutes ses billes à Paris et à Londres. Ivanhoé possède aujourd'hui trois immeubles de bureaux prestigieux et une quinzaine de complexes résidentiels dans la capitale britannique. Son exposition directe au marché immobilier londonien atteint 700 millions de livres sterling (1,1 milliard de dollars canadiens), un investissement qui totalise environ 2 milliards en incluant l'encaisse, le financement et la dette. Le groupe possède aussi une participation indirecte dans d'autres actifs londoniens, qu'il a été impossible de quantifier.

QUELLE STRATÉGIE ADOPTER ?

La décision du peuple britannique, qui a choisi à 52 % de quitter l'Union européenne dans le cadre d'un référendum à la fin juin (le fameux Brexit), a créé une onde de choc politique et économique au Royaume-Uni. Le marché immobilier de Londres - l'un des plus chers du monde - a vite subi des contrecoups, au point où sept sociétés de gestion ont gelé les transactions touchant leurs actifs immobiliers. Ivanhoé Cambridge n'a pas encore pris de décision quant à la stratégie à adopter avec ses investissements.

« Il est trop tôt pour prendre la pleine mesure des conséquences qu'aura un événement aussi important et complexe. À court terme, il y a beaucoup de volatilité. Mais nous allons analyser le tout en profondeur et suivre de près l'évolution de la situation. » - Jean-Benoît Houde, porte-parole de la Caisse de dépôt

JOUER DE PRUDENCE

Même si sa stratégie ne semble pas encore clairement établie, Ivanhoé Cambridge estime que « la prudence est de mise » à l'heure actuelle dans le marché londonien. « Nous ne sommes évidemment pas immunisés contre les conséquences d'un tel événement », a souligné le porte-parole dans un courriel à La Presse Affaires. « Notre portefeuille met toutefois l'accent sur des actifs de grande qualité, des partenaires bien établis, des sociétés fortement exposées aux marchés mondiaux. Nous investissons pour le long terme et construisons notre portefeuille de façon à ce qu'il soit plus résilient lors de turbulences de marché. Pas immunisé, mais plus résilient. »

- 20 %

Selon des experts de l'industrie immobilière cités par Bloomberg, le marché des immeubles de bureaux pourrait perdre jusqu'à 20 % de sa valeur d'ici trois ans à Londres. D'autres analystes, comme ceux de la firme Green Street Advisors, tablent sur la perte de 75 000 emplois dans le secteur financier londonien (15 % de l'effectif total), ce qui touchera autant la demande pour les bureaux que celle pour les résidences. Or, il faudra encore plusieurs mois - voire plusieurs trimestres - avant de connaître l'impact véritable du Brexit. Tout dépendra des conditions du divorce que réussira à négocier la nouvelle première ministre Theresa May avec l'Union européenne.

« Je dirais que nous sommes dans une période d'incertitude. C'est dur de comprendre quelles sont les implications potentielles sur la valeur [des immeubles] et sur les facteurs fondamentaux, comme les loyers. Nous sommes extrêmement tôt dans le processus, et je dirais que les implications à long terme déprendront vraiment des négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. » - Mario Saric, directeur général, Immobilier et FPI, à la Banque Scotia

AUTRES FONDS CANADIENS

La Caisse de dépôt, qui gère le bas de laine des Québécois, n'est pas le seul fonds de pension canadien à avoir fortement investi à Londres. L'Office d'investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC) a injecté plus de 20,9 milliards de dollars au Royaume-Uni, soit 7,5 % de son portefeuille total. Le groupe reconnaît ne pas être « immunisé » contre l'impact qu'aura le Brexit sur le marché britannique. « Malgré cela, notre horizon d'investissement exceptionnellement long détermine la façon dont nous voyons, mesurons et prenons en compte les événements et risques macroéconomiques », a commenté hier un porte-parole. Le fonds OMERS, qui possède aussi un important portefeuille, se dit pour sa part prêt à affronter les turbulences des prochaines semaines grâce à son approche « disciplinée ».

+ 5 %

S'il continue à générer des turbulences outre-Atlantique, le Brexit profite en parallèle aux fonds de placement immobiliers (FPI) nord-américains, a souligné à La Presse Affaires Mario Saric, de la Banque Scotia. Alors que les FPI britanniques ont fléchi de 13 % depuis le vote du 23 juin, ceux du Canada et des États-Unis ont gagné 5 % chacun.