« Tassez-vous, les Canadiens. Les Chinois d'abord ! »

C'est le message que des agents immobiliers seraient tentés d'envoyer aux Québécois ou aux Ontariens qui convoitent un condo en Floride ou un « ranch house » en Arizona.

Ce n'est pas que les « gentils voisins du Nord » ne soient plus les bienvenus aux États-Unis, au contraire. C'est plutôt qu'un grand changement, survenu cette année sur le marché immobilier, risque de chambouler les priorités des vendeurs américains.

Pour la première fois, les Chinois sont les plus importants acheteurs étrangers de propriétés résidentielles aux États-Unis, devançant de loin les investisseurs canadiens qui glissent au deuxième rang.

Non seulement les Chinois achètent plus de maisons en sol américain que les autres ressortissants étrangers, mais ils sont prêts à payer plus... beaucoup plus, en fait, pour réaliser leur rêve américain.

Selon le plus récent rapport de la National Association of Realtors (NAR), l'association immobilière nationale aux États-Unis, les Chinois ont réalisé 28 % des achats immobiliers, en dollars américains, faits par des étrangers durant l'année terminée à la fin de mars et 16 % des transactions (en nombre).

Par comparaison, les Canadiens - jusque-là au sommet du palmarès depuis que la NAR compile ces données - ont été responsables de 14 % des transactions.

Et quand vient le temps de faire une offre, « money is no object », ont appris à dire les visiteurs de l'empire du Milieu.

Les Chinois paient en moyenne plus de trois fois ce que les Américains eux-mêmes sont prêts à débourser pour une maison, soit 831 800 $US contre 255 600 $US. Qui plus est, environ 70 % des achats chinois sont réglés... en argent sonnant.

Les autres acheteurs, qu'ils viennent d'Europe ou d'ailleurs, ne peuvent rivaliser avec le pouvoir d'achat chinois, le prix payé par tous les étrangers étant en moyenne d'un demi-million US (499 600 $US), et de moins de 400 000 $US dans le cas des Canadiens.

Où vont les Chinois ? En Californie d'abord, la destination privilégiée par le tiers (35 %) des acheteurs.

Selon les données de la NAR, les Canadiens ne sont plus du tout dans la course sur le plan monétaire.

Sur un an, les Chinois ont misé 28,6 milliards US sur l'immobilier résidentiel américain, une hausse de 30 % en un an et presque trois fois la somme totale déboursée par les Canadiens, soit 11,2 milliards US ; un creux depuis au moins cinq ans.

Exode chinois

L'attrait de l'immobilier américain s'inscrit dans une tendance lourde montrant que les grandes fortunes chinoises rêvent de plus en plus du grand large.

Les millionnaires ont beau se multiplier en Chine - on en dénombre 4 millions, selon le Boston Consulting Group -, la majorité d'entre eux n'ont qu'une chose en tête : placer leur fortune hors du pays.

Dans une étude réalisée il y a environ un an, la firme WealthInsight estimait que les Chinois fortunés ont investi 658 milliards US dans divers actifs à l'étranger, dont l'immobilier. C'est deux à trois fois les sommes estimées il y a trois ans, selon diverses études.

Pour sa part, la firme Bain Consulting évalue que la moitié des riches en Chine (avoir net personnel de 16 millions US ou plus) a investi au moins une partie de ses avoirs à l'extérieur du pays, même si des règles sévères en Chine restreignent les sorties de capitaux.

Ces grandes fortunes regardent au-delà de la Grande Muraille pour dénicher des occasions d'affaires, faire des placements plus performants ou tout simplement émigrer au moment où l'économie chinoise ralentit.

Un rapport du spécialiste immobilier Jones Lang LaSalle (JLL) avance que l'investissement privé chinois à l'étranger a crû de 46 % en 2014, l'immobilier commercial étant la principale cible.

Face aux restrictions sur l'accès à la propriété en Chine et à l'énorme bulle qui prend forme à la Bourse de Shanghai et qui risque d'éclater à tout moment, l'immobilier étranger offre de belles occasions. Sans compter qu'un yuan plus fort rend les actifs étrangers plus attirants, selon JLL.

La devise chinoise s'est appréciée d'environ 25 % environ contre le billet vert américain et de 35 % contre la livre sterling depuis 2005. Cela explique en partie pourquoi les Chinois se ruent sur les propriétés luxueuses à Londres, New York et Paris, notamment.

C'est le grand paradoxe chinois : on a fait beaucoup d'argent dans ce pays depuis 20 ans mais, pour les nouveaux millionnaires de la Chine, l'avenir est ailleurs.

INFOGRAPHIE LA PRESSE