Des promoteurs ont annoncé hier deux projets totalisant plus de 600 condos dans Griffintown, au moment même où des consultations publiques - et une certaine controverse - battent leur plein quant au développement du quartier.

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Le Groupe Prével mettra en vente samedi la première phase d'un nouveau complexe de 500 copropriétés, appelé Lowney sur ville. Le projet prévoit deux tours de 20 étages et deux bâtiments de 8 étages.

Un consortium formé de Prével, Rachel Julien, Claridge et du Fonds immobilier de solidarité FTQ lancera en outre la phase 2 des Bassins du Havre demain. Ce vaste projet prévoit à terme plus de 1800 appartements situés directement sur le canal de Lachine, dans le coeur historique de l'ancien quartier industriel.

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Ces annonces surviennent alors que l'Office de consultation publique de Montréal (OCPM) tient des consultations publiques cette semaine sur le développement de Griffintown. Une démarche qui soulève plusieurs critiques, puisqu'elle survient après que des centaines de condos aient déjà été mis en chantier dans le secteur.

«On se demande pourquoi faire ces consultations maintenant alors que tous ces projets sont en cours!», a dénoncé hier Jeffrey Dungen, porte-parole du Comité pour le sain redéveloppement de Griffintown.

Environ le quart du territoire de Griffintown est couvert par un programme particulier d'urbanisme (PPU) adopté en 2008, qui détermine certaines règles quant aux hauteurs et densités permises. Ce PPU devait encadrer un vaste projet du groupe Devimco, revu à la baisse en 2009. Divers promoteurs ont depuis lancé des projets sur des parcelles de ce sous-secteur de Griffintown.

Les consultations actuelles de l'OCPM visent à déterminer la trame urbanistique des trois quarts restants de Griffintown, en vue de donner une certaine cohérence au quartier. Certains intervenants proposent de décréter un moratoire sur l'approbation de nouveaux projets d'ici à ce qu'un nouveau plan d'urbanisme soit adopté.

Jacques Vincent, coprésident de Prével, soutient que les deux annonces d'hier «étaient prévues depuis fort longtemps». Le projet de Lowney sur ville est dans le territoire du PPU de 2008 et a déjà reçu «toutes les autorisations nécessaires», a-t-il souligné. Le gigantesque projet des Bassins du Havre a quant à lui fait l'objet d'une consultation avant le lancement de sa première phase lancement l'an dernier.

Même si M. Vincent admet se sentir «un peu inconfortable» que l'annonce tombe en même temps que des consultations controversées, il se dit tout à fait «confortable dans la démarche» entreprise par son groupe. Son nouveau projet Lowney sur ville inclura plusieurs appartements de deux et trois chambres destinés aux familles, dit-il, l'un des objectifs visés par les défenseurs de Griffintown.

Préserver l'âme du quartier?

La revitalisation de Griffintown - délimité par l'autoroute Bonaventure à l'est, par la rue George-Vanier à l'ouest, par la rue Notre-Dame au nord et par le canal de Lachine au sud - soulève les passions. Plusieurs craignent de voir l'âme de ce vieux quartier disparaître si rien n'est fait pour protéger son patrimoine bâti.

Les promoteurs, pour leur part, misent sur l'immense potentiel du secteur, situé tout juste en marge du centre-ville et du Vieux-Montréal. Les consultations actuelles devant l'OCPM visent à trouver - idéalement - un équilibre entre construction immobilière et préservation historique, tout en stimulant l'ajout d'infrastructures pour les nouveaux résidants.

«Les questions que les gens ramènent souvent, c'est qu'ils veulent des projets à échelle humaine», a indiqué Benoit Dorais, maire de l'arrondissement du Sud-Ouest.

M. Dorais, qui fait partie de l'opposition à la Ville de Montréal, dénonce le PPU adopté en 2008, un dézonage fait «sans vision sur l'ensemble du territoire». Il dit vouloir imposer un moratoire sur le lancement de tout nouveau projet dans Griffintown d'ici à ce que l'OCPM ait terminé sa consultation.

Richard Deschamps, responsable du développement économique au comité exécutif, s'oppose avec force à tout moratoire. «Il y a à peu près deux ans, on parlait d'immobilisme à Montréal, là on est sur une lancée et on nous propose de tout arrêter! C'est facile quand ce n'est pas notre argent qui est au bat de tout arrêter, mais quel mauvais signal on enverrait de tout arrêter pour faire un moratoire?»

L'élu estime qu'on peut «mâcher de la gomme et marcher en même temps». «On peut très bien avoir des projets qui sont autorisés et qui émergent, et en même temps effectuer une consultation publique beaucoup plus large», a-t-il lancé.

Les consultations de l'OCPM se poursuivent aujourd'hui et demain. L'organisme espère pondre son rapport en avril.