L'orgie de construction de résidences pour personnes âgées des dernières années continue de plomber ce secteur au Québec. Le taux d'inoccupation se maintient au-dessus des 8%, et de nombreuses fermetures sont à prévoir.

> Suivez Maxime Bergeron sur Twitter

«Il y a eu sept ou huit fermetures depuis le début de l'année, et on connaît plusieurs membres qui sont en position extrêmement précaire, a déploré hier Mathieu Duguay, président du conseil du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA). Ce mouvement-là va continuer pour encore quelques années.»

En juin, la résidence Monaco de l'arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, a cessé ses activités, forçant 125 personnes âgées à se trouver un nouveau logis. D'autres fermetures ont eu lieu à Québec et en région ces derniers mois, a précisé M. Duguay. «C'est un secteur très fragile en ce moment.»

Pourquoi de telles difficultés dans une industrie qui apparaissait comme l'eldorado des constructeurs il y a cinq ans à peine? L'enthousiasme trop grand des promoteurs, justement.

«C'est un investissement dont les marges sont supérieures à la construction d'un appartement locatif traditionnel, donc il y a eu de l'intérêt, a souligné Kevin Hughes, économiste principal à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Comme c'est souvent le cas dans un nouveau marché, il y en a plusieurs qui se lancent, et là il y a une offre qui augmente et met un certain temps à s'écouler.»

Au Québec, le taux d'inoccupation des résidences s'élève à 8,1%, en mince recul de 0,3% sur un an, a révélé hier la SCHL dans son enquête annuelle sur ce secteur. Le taux est encore plus élevé dans certaines villes de la province, dont Gatineau, où il atteint 19,3%.

En plus de faire bondir les taux d'inoccupation, la construction massive du milieu des années 2000 a entraîné un endettement important des promoteurs. Plusieurs ne pourraient se maintenir à flot sans les taux d'intérêt «excessivement bas» observés aujourd'hui, indique Mathieu Duguay, qui est aussi président de l'exploitant de résidences Cogir.

«Dans un environnement où on aurait des taux à la hausse, la situation pourrait être extrêmement grave», a-t-il avancé.

Des stocks à écouler

Les constructeurs ont appliqué les freins à l'érection de résidences vers 2009, mais les stocks avaient déjà atteint à ce moment un niveau important. L'absorption des unités inoccupées sera d'autant plus lente que les clients actuels sont nés pendant la Grande Dépression et forment une cohorte moins nombreuse.

Les gens âgés sont aussi plus nombreux à vouloir rester dans leur maison ou appartement, indique la SCHL.

Cette tendance réduit encore davantage le bassin de clients potentiels des centres spécialisés.

Les intervenants de l'industrie consultés par La Presse Affaires s'attendent à une accalmie de la demande de deux à cinq ans. Jacques Vincent, coprésident du Groupe Prével qui exploite quatre résidences dans la région montréalaise, entrevoit une reprise «assez importante» en 2016.

Pour l'heure, Prével garde un oeil attentif sur le marché, mais n'a aucun projet de construction de résidences à court terme. Le secteur du condo, beaucoup plus demandé, garde l'entreprise occupée.

Dans toute cette grisaille, le Groupe Maurice semble se démarquer. Les 4300 chambres et appartements de l'entreprise, répartis dans 16 résidences, affichent un taux d'occupation de 97,3%, affirme le président fondateur, Luc Maurice. L'entreprise construira en outre 1000 unités dans trois villes québécoises au cours de la prochaine année.

Selon M. Maurice, le faible recours au levier financier a permis au groupe d'afficher une bonne stabilité financière ces dernières années. Cette prudence le rassure pour la suite des choses. «Moi, je veux bien dormir la nuit», a-t-il dit.

Dans l'ensemble du Québec, le loyer moyen des places en centre d'hébergement s'élève à 1466$, indique la SCHL. En détail, la facture moyenne atteint 1286$ pour les studios, 1469$ pour les appartements d'une chambre, 1855$ pour ceux de deux chambres et 2621$ pour les chambres avec soins médicaux assidus.

À l'échelle canadienne, le loyer moyen pour une chambre individuelle ou un studio est de 1909$. Le plus élevé se trouve en Ontario, à 2677$.

Le taux d'inoccupation moyen est de 10,7% au Canada, en baisse de 0,1% sur un an, souligne la SCHL.

---------------

8,1%

Taux d'inoccupation au Québec

1397$

Loyer moyen des chambres et studios*

2621 $

Loyer moyen des chambres avec soins

*Loyer incluant au moins un repas quotidien

Source : SCHL