La grande fête hypothécaire qui a attiré des milliers de Canadiens chez leurs banquiers ces derniers mois tire à sa fin.

La Banque Royale a annoncé hier matin une hausse marquée de ses taux, imitée peu après par d'autres institutions, dont la Banque TD. Le taux affiché pour une échéance de cinq ans grimpe dès aujourd'hui de 0,60%, à 5,85%.

Les taux historiquement bas depuis la fin de l'an dernier ont contribué à la forte reprise du marché immobilier canadien. Encore ces jours-ci, de nombreux consommateurs se bousculent pour signer des préapprobations hypothécaires ou encore renégocier à la baisse leurs prêts existants, quitte à payer une pénalité.

«On est dans une période très, très active», confirme Pierre Martel, président du courtier hypothécaire Multi-Prêts.

Hier encore, Multi-Prêts affichait des taux aussi bas que 3,69% pour l'échéance fixe de cinq ans et de 1,75% pour le variable. Ces taux devraient toutefois grimper sous peu, quand les autres banques emboîteront le pas à RBC, la TD et la Laurentienne.

Anticipation

Pourquoi une hausse maintenant plutôt qu'à l'été, quand la Banque du Canada haussera son taux directeur?

Le marché obligataire «anticipe» l'augmentation prévue, explique en somme Benoît Durocher, vice-président à la direction et chef stratège économique chez Addenda Capital.

«Les marchés essaient toujours d'anticiper ce qui va se produire, et ils anticipent que la Banque du Canada va relever ses taux et ça se reflète sur les taux d'intérêt dans le secteur deux ans à cinq ans qui sont également en hausse», dit le stratège.

Comme le marché des obligations «sous-tend» celui des prêts hypothécaires, le mouvement haussier observé depuis hier n'a rien d'anormal, ajoute M. Durocher.

«Dans la mesure où ces hausses de taux-là ne sont pas appelées à se renverser, c'est quelque chose qui commence à être intégré de façon plus permanente dans la courbe des taux d'intérêt», explique pour sa part Paul-André Pinsonneault, économiste à la Financière Banque Nationale.

Ralentir la revente

Chose certaine, la hausse graduelle des taux fixes et variables devrait refroidir quelque peu le marché immobilier, qui frise la surchauffe dans plusieurs régions du pays. Le prix moyen des maisons a atteint 335 655$ au Canada le mois dernier, en hausse de 19% sur un an.

Dans le Grand Montréal, où le prix médian d'une maison unifamiliale s'est établi à 245 000$ en février, en progression de 9%, la montée des taux annoncée hier a quelque peu surpris. «On l'attendait un peu moins vite», a reconnu Michel Beauséjour, chef de la direction de la Chambre immobilière.

Le dirigeant s'attend toutefois à un impact mineur, «si ce n'est de calmer un peu le marché». Pour une maison de 245 000$ avec une mise de fonds de 10% et une hypothèque amortie sur 25 ans, la hausse des taux fera grimper le paiement mensuel de 77$, à 1391$, souligne M. Beauséjour. La facture montera de 90$, à 1293$, pour un prêt avec mise de fonds de 5% amorti sur 35 ans.

Le courtier immobilier François MacKay ne se montre pas plus inquiet, même s'il admet que la question de la remontée des taux «revient tout le temps» dans la bouche des acheteurs. «On vendait très bien nos propriétés quand les taux étaient à 5% ou 6%», dit-il.

Malgré la hausse des taux fixes qui commence aujourd'hui, mieux vaut continuer à profiter des bas taux variables si notre budget nous permet d'absorber les fluctuations, font valoir des experts. Il reste encore de belles économies à réaliser dans le paiement d'intérêts, disent-ils en somme.

«Les taux variables, c'est encore une très bonne option», avance Nicolas Fréchette, chef de produits, Financement hypothécaire, chez Desjardins.

«Mon conseil général, c'est: ne courez pas pour fixer votre hypothèque à un taux fixe de 6%», dit pour sa part Mo Chaudhury, professeur à la faculté de gestion Desautels de l'Université McGill.

La Banque du Canada devrait hausser son taux directeur en juin ou juillet prochain, comme elle le répète depuis des mois.

 

LES TAUX QUI GRIMPENT

5 ANS

5,85% ("0,60%)

4 ANS

5,34% ("0,40%)

3 ANS

4,35% ("0,20%*)

*Taux affiché par la Banque Royale, qui a amorcé le mouvement haussier hier matin