Les Canadiens auront bientôt de nouvelles options au moment d'acheter ou de vendre une maison.

Les représentants des 98 000 agents immobiliers du pays ont accepté hier de mettre en place un nouveau modèle hybride pour la revente, qui permettra aux propriétaires de jouer un rôle accru dans la transaction. Ces changements sont toutefois insuffisants aux yeux du Bureau de la concurrence, qui estime que les pratiques de l'industrie demeureront «anticoncurrentielles».Réunis en assemblée à Ottawa, les membres de l'Association canadienne de l'immeuble (ACI) ont voté dans une forte majorité pour assouplir les règles d'accès au Service inter-agences, mieux connu sous le nom de MLS. Ce réseau était jusqu'à maintenant réservé aux agents, responsables de 90% des transactions au pays.

«L'ACI est heureuse que les modifications aient été adoptées», a déclaré le président de l'organisation, Georges Pahud, dans un communiqué laconique.

Désormais, un propriétaire pourra mandater un agent pour inscrire sa propriété sur MLS et ensuite s'occuper des autres aspects de la vente, comme la présentation des offres et contre-offres. La rémunération de l'agent, fixe dans un tel cas, sera beaucoup plus basse que la commission de 5% qui est la norme aujourd'hui.

Selon les anciens statuts de l'ACI, l'agent devait obligatoirement jouer un rôle central dans la transaction.

Ces changements étaient réclamés depuis trois ans par le Bureau de la concurrence, qui a même déposé une poursuite le mois dernier contre l'ACI devant le Tribunal de la concurrence. Mais les modifications approuvées hier sont trop floues et ne vont pas assez loin pour l'organisme fédéral. En conséquence, la poursuite est maintenue.

«Il s'agit d'un pas dans la mauvaise direction, a déclaré Melanie Aitken, commissaire de la concurrence. Ces modifications reviennent à donner à l'ACI et à ses membres un chèque en blanc leur permettant de fixer des règles qui pourraient se révéler encore plus anticoncurrentielles.»

En gros, l'organisme craint que l'ACI se garde une latitude pour venir resserrer par la suite les règles d'accès à MLS. Le Bureau serait prêt à abandonner sa poursuite devant le Tribunal de la concurrence, mais seulement s'il obtient par écrit des assurances de l'ACI, a indiqué un haut fonctionnaire à La Presse Affaires.

L'ACI estime pour sa part que «les précisions qui ont été apportées aux règlements existants à un stade précoce ont permis de répondre à toutes les préoccupations du Bureau de la concurrence». L'Association demande donc aux chambres immobilières du pays de modifier leurs règlements «dès que possible», sans attendre un éventuel jugement du Tribunal de la concurrence.

Frustration

Cette ouverture prochaine du réseau MLS aux particuliers viendra changer en profondeur les façons de faire de bien des agents immobiliers.

Plusieurs sont très mécontents de la tournure des événements.

Jean-Pierre Breton, agent chez Sutton en Estrie, fait valoir que les 1440$ qu'il paie chaque année pour faire partie d'une chambre immobilière servent en grande partie à financer le réseau MLS. «Ne venez pas nous voler ce que nous avons développé à grands frais!» a-t-il lancé hier.

François Baron, de La Capitale à Montréal, aurait pour sa part voté contre la modification aux statuts de l'ACI s'il avait été à l'assemblée d'Ottawa, a-t-il dit. «Il y a déjà de la concurrence. Un agent au Québec, s'il le voulait, pourrait charger seulement 1%.»

Pas de date

Impossible pour l'instant de savoir à quel moment ces changements seront implantés dans la région. La Chambre immobilière du Grand Montréal a refusé de commenter hier.

Les agents immobiliers canadiens ont vendu 465 251 propriétés l'an dernier, pour une valeur totale de 149 milliards de dollars.

En estimant une commission moyenne de 5%, les agents et courtiers auraient reçu une rémunération brute d'environ 7,5 milliards en 2009 au Canada.

Cela exclut évidemment tous leurs frais de bureau, de mise en marché et autres taxes.