La vigueur du marché immobilier a fait bondir le phénomène de la surenchère dans les quartiers centraux de Montréal. Le nombre d'acheteurs prêts à allonger davantage que le prix demandé a presque doublé en deux ans, a appris La Presse Affaires.

Quelque 6,6% des transactions réalisées au cours des six derniers mois - 508 sur un total de 7754 - se sont conclues à un prix supérieur à celui affiché. Cela se compare à 3,7% pendant la période correspondante de 2007-2008.

La proportion d'acheteurs prêts à surenchérir d'au moins 5000$ a grimpé encore plus. Ils ont été 3,7% à le faire depuis six mois, comparativement à 1,5% il y a deux ans, selon les chiffres fournis par la Chambre immobilière du Grand Montréal (CIGM). Les données de l'an dernier ont été exclues à cause de la récession.

Louis-Martin Proulx est du lot. Le professeur de cégep et sa conjointe ont acheté un duplex dans Villeray en décembre dernier après 11 mois de recherches tumultueuses. Ils ont offert 415 000$ pour la propriété affichée... à 349 000$! Le prix final a été ramené à 400 000$ en raison de travaux à réaliser.

«Il y a eu trois autres offres et une vingtaine de personnes attendaient sur le trottoir quand on a visité le duplex», raconte M. Proulx, qui croit quand même avoir fait une bonne affaire.

Phénomène circonstanciel?

Michel Beauséjour, chef de la direction de la CIGM, reconnaît que la surenchère a pris une ampleur importante au cours des derniers mois, dans un marché en pleine ébullition. Mais une bonne partie du phénomène est circonstancielle et s'explique par des facteurs précis, selon lui.

Tout d'abord, bon nombre d'acheteurs avaient retardé leur décision pendant les derniers mois de 2008 et les premiers de 2009, au sommet de la crise financière. Ils sont revenus en masse sur le marché au printemps dernier, poussant la demande - et les prix - vers le haut. «On est clairement passés à un marché de vendeurs», dit M. Beauséjour.

En parallèle, l'augmentation prévue des taux hypothécaires à partir de l'été prochain a poussé plusieurs Montréalais à devancer leur processus d'achat de quelques mois ou quelques années. Cela ajoute à la cohue d'acheteurs, amplifiant du coup le pouvoir de négociation des vendeurs.

Un autre facteur, moins connu, expliquerait aussi la folie actuelle. Selon un sondage récent de la CIGM, 43% des Montréalais qui comptent acquérir une maison d'ici 12 mois sont de premiers acheteurs. Ces nouveaux proprios - des locataires - ne libèrent aucune maison lorsqu'ils achètent, «ce qui vient ajouter une pression sur le marché», dit Michel Beauséjour.

En ville et pas ailleurs

Le phénomène de la surenchère est urbain et se concentre essentiellement dans le centre-ville de Montréal et les quartiers périphériques, indiquent les données fournies par la CIGM. Les arrondissements les plus touchés sont Villeray-Saint-Michel-Parc Extension, Ville-Marie, le Plateau-Mont-Royal, Rosemont-La Petite-Patrie, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.

À l'exception du Plateau-Mont-Royal, il s'agit de quartiers où il est encore possible de trouver des propriétés à des prix relativement abordables, fait valoir Michel Beauséjour. «C'est vraiment le marché des premiers acheteurs qui est actif.»

Le marché montréalais est revenu le mois dernier au même niveau qu'avant la récession de 2008. Quelque 4465 propriétés ont changé de main dans la région métropolitaine, une hausse de 45% sur un an mais de seulement 1% par rapport à février 2008.

Les prix ont aussi poursuivi leur forte progression. Dans l'île de Montréal, la valeur de revente médiane d'une maison unifamiliale a atteint 324 500$ le mois dernier (+15%), celle d'un condo, 227 000$ (+4%) et celle d'un «plex», 395 000$ (+14%).

Le chef de la direction de la CIGM s'attend à ce que la hausse prochaine des taux d'intérêt, combinée au resserrement des règles d'accession à la propriété promulgué par Ottawa, fassent ralentir le phénomène de la surenchère. Il n'entrevoit toutefois aucune baisse de prix dans la région.

Sur un total de 508 ventes «surenchéries» entre septembre 2009 et février 2010 dans l'île de Montréal, 154 touchaient des maisons unifamiliales, 206 des appartements en copropriété et 148 des «plex».

Quelque 290 acheteurs ont déboursé au moins 5000$ de plus que le prix demandé, ce qui constitue alors une véritable surenchère selon la CIGM (l'organisme estime que les sommes inférieures à 5000$ sont moins représentatives).

Enfin, 31 Montréalais ont payé une surprime équivalant à plus de 10% du prix de vente, comparativement à seulement 13 personnes pendant la même période il y a deux ans.