Le choc a été brutal pour Josiane et sa famille. Depuis l'achat de sa maison, elle s'est démenée pour faire tous ses versements hypothécaires à temps. Elle a remboursé son prêt-auto rubis sur l'ongle. À l'échéance de son hypothèque, en juin, elle comptait bien décrocher un taux plus avantageux que celui de 9%, négocié auprès d'un prêteur alternatif il y a trois ans.

Elle est tombée de haut ! Non seulement aucune banque ne veut lui accorder une hypothèque, mais son prêteur actuel lui a fermé la porte au nez. La firme torontoise Xceed n'offre plus d'hypothèques à risque (subprime). «Ils veulent ravoir leur argent, c'est tout», dit Josiane (nom fictif).

«J'ai écrit partout. J'en ai perdu mon orgueil, dit-elle. Depuis un mois, j'ai tellement pleuré. C'est insoutenable.»

Josiane ne comprend pourquoi les prêteurs la considèrent comme une délinquante. «Les mauvais payeurs, pour moi, c'est des gens qui ne sont pas capables d'arriver. C'est vrai que je ne paie pas toujours mes cartes de crédit, avoue-t-elle. Des mois, je paie. Des mois, je ne paie pas. Mais je finis toujours par payer.»

Sauf qu'à force de sauter deux, ou même trois mois, elle a totalement démoli sa cote de crédit, qui a plongé en dessous de 500 points. À ce niveau, tous les prêteurs reculent... Même si Josiane et son mari gagnent près de 100 000 $. Même si leur emploi est très stable. Même si leur hypothèque représente seulement 80% de la valeur de la maison. Et même si leurs autres dettes totalisent moins que 5000 $.

Dur retour à la normale

«Le crédit n'est plus ce qu'il était», constate Jean Fortin, qui dirige un réseau de cabinets de syndics de faillite. Plusieurs prêteurs alternatifs, qui consentaient des hypothèques à risque, aussi appelées prêts B, ne font carrément plus affaires au Québec.

«Citi Financière, GMAC, GE Money ont quitté le marché. Xceed demeure, mais ne fait plus de prêts B», énumère M. Fortin.

Certains prêteurs offrent encore des hypothèques à risque, comme Home Trust, Secure Finance, First Line ou Wells Fargo. «Mais il n'en reste vraiment plus beaucoup», dit Robert Perrier, directeur au Québec d'Intelligence Hypothécaire. Vers 2003, la firme de courtage hypothécaire, qui compte 145 agents au Québec, tirait jusqu'à 40% de son volume d'affaires des prêts B. Aujourd'hui, c'est moins de 10%.

Chez les prêteurs alternatifs qui restent, l'éventail des hypothèques exotiques s'est refermé. Fini les hypothèques à 107% de la valeur de maison. Exit les prêts accordés à des gens au bord de la faillite, avec une cote de crédit en lambeau. À la poubelle les ratios d'endettement à faire dresser les cheveux sur la tête.

«Avant, il était possible de financer tout se qui respirait sur terre», ironise M. Perrier. Plus maintenant ! Le travailleur automne qui a une mauvaise cote de crédit ne trouvera pas financement, sauf avec un prêteur privé à un taux de 15%.

Même les grandes banques ont resserré leurs conditions de crédit. «Les normes n'ont pas changé, mais elles sont maintenant appliquées à la lettre. C'est juste un retour à la normale, après des années folles», estime Christine Lemieux, vice-présidente aux ventes pour le courtier hypothécaire Multi-prêts.

Concrètement, cela signifie que les banques ne tolèrent plus d'exceptions. Un ratio d'endettement total supérieur à 40%? Avant, ça pouvait passer quand le client avait une belle mise de fonds, un bon travail, une cote de crédit impeccable. Désormais, non.

Une cote de crédit inférieure à 620 points? Avant, la banque ne s'en formalisait pas trop. Maintenant, «619 peut passer, si tous les autres critères sont excellents. Mais 618 ou 617, vraiment pas», dit Mme Lemieux.

Propriétaires en détresse

Le départ des prêteurs à risque et le resserrement des conditions de crédit rattrapent les ménages Québécois.

Depuis quelques semaines, Option Consommateurs reçoit des appels de détresse de propriétaires dont l'hypothèque arrive à terme, avec GE Money mais surtout GMAC, ancien chef de file des hypothèques à risque.

Les clients sont abasourdis ne pas avoir droit à un refinancement, à l'échéance de leur hypothèque. Karine Robillard, avocate chez Option Consommateur, doit leur expliquer que les prêteurs n'ont aucune obligation de renouveler le crédit pour un autre terme.

Seule obligation : «Si l'établissement de crédit décide de ne pas renouveler le prêt, il doit vous en informer au moins 21 jours avant la fin du terme en cours», note l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.