Acheter un immeuble résidentiel à Montréal? Avec le bassin de locataires qui augmente et les appartements vides qui se font rares, l'idée semble rester bien ancrée dans la tête de plusieurs investisseurs... crise économique ou pas.

Le courtier CB Richard Ellis vient en tout cas d'annoncer la plus grosse transaction immobilière de l'année à Montréal dans le secteur des logements locatifs. Le Chatel, situé à l'intersection du boulevard De Maisonneuve et de la rue Guy, a changé de mains pour 36,7 millions de dollars.

 

La tour d'habitation de 300 logements a été achetée par un investisseur privé mont-réalais; elle appartenait auparavant à une société israélienne.

Selon Germain Villeneuve, vice-président principal chez CB Richard Ellis, les marchés immobiliers des États-Unis et de plusieurs villes canadiennes qui se dégonflent brusquement après avoir été soufflés par la bulle incitent plusieurs investisseurs à regarder du côté du Montréal.

«Les immeubles commerciaux ne vont pas aussi bien, mais le multirésidentiel est très demandé. On voit les acheteurs américains ou les Canadiens de Toronto ou de l'Ouest montrer de l'intérêt pour Montréal», soutient M. Villeneuve.

Selon lui, la faible valeur du dollar canadien incite les Américains à investir chez nous avant qu'il ne remonte avec les cours du pétrole. «Nos loyers sont très bas à Montréal, plus bas que dans des villes comme Ottawa ou Halifax. Beaucoup d'investisseurs voient des potentiels d'augmentation à long terme», dit-il aussi.

Mais la banque RBC, qui intervient aussi dans le marché locatif par l'entremise de sa banque d'affaires du secteur immobilier, tient un autre discours.

«De façon générale, les Américains s'intéressent au marché canadien et au marché montréalais en particulier parce que c'est un marché stable, dit le porte-parole, Raymond Chouinard. Mais on n'a pas observé de tendance plus marquée au cours des derniers mois.»

Inoccupation à la baisse

La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) note toutefois que le taux d'inoccupation des logements locatifs a chuté en octobre dernier pour la première fois depuis plusieurs années, passant de 2,9% à 2,4%. De plus en plus de Québécois quittent la région montréalaise pour s'établir ailleurs, mais ces pertes sont largement compensées par l'arrivée d'immigrants internationaux, des gens qui sont bien souvent locataires lorsqu'ils débarquent à Montréal. La SCHL prévoit d'ailleurs que le taux d'inoccupation chutera à 2% en 2009.

«Avec des taux d'inoccupation à la baisse, les chances que les logements soient loués sont meilleures, ce qui les rend plus intéressants en termes d'investissements», souligne Stéphane Duguay, analyste de marché à la SCHL.

L'autre facteur, c'est l'inflation. Selon Germain Villeneuve, de CB Richard Ellis, «la communauté d'investissements craint que tout l'argent mis par les gouvernements pour stimuler l'économie crée une vague d'inflation quand l'économie va reprendre. Et il n'y a rien de mieux que d'acheter de l'immobilier, surtout de l'appartement, quand il y a de l'inflation, parce que les loyers vont toujours augmenter plus que l'inflation.»

Mais Robert Hogue, économiste principal chez RBC, juge le pari «spéculatif». «Ça revient à dire que les actions des gouvernements vont non seulement atteindre leur but, mais qu'elles vont le dépasser. Et ça revient aussi à mettre en doute la capacité de la Banque du Canada à contrôler l'inflation. On peut se questionner là-dessus», dit-il.