Le déclin du secteur de la fabrication s'est amorcé plus tôt au Québec qu'en Ontario en raison de la prédominance des entreprises de faible technologie, conclut une étude du Centre sur la productivité et la prospérité publiée aujourd'hui. Selon ses auteurs, les programmes d'aide financière du gouvernement du Québec sont inefficaces pour encourager la recherche et développement, l'un des meilleurs moyens d'accroître la compétitivité des entreprises. Leur remède: Québec devrait effectuer un meilleur suivi de l'aide accordée et préconiser la productivité plutôt que la création d'emplois. Voici les faits saillants de l'étude.

Les entreprises de faible technologie dominent

Au Québec, près de 43% de toute la production manufacturière est issue de secteurs de faible technologie. C'est davantage que dans l'ensemble du Canada et dans les autres pays du G7. Cette réalité s'explique notamment par la forte présence au Québec des industries du textile, de la foresterie et des aliments. De la même façon, les entreprises de moyenne-haute technologie ne représentent que 15% de la production manufacturière québécoise, contre 45% en Allemagne et 33% en Ontario. En revanche, le Québec fait bonne figure en ce qui a trait aux entreprises de haute technologie, qui représentent 15% de la production totale, contre 18% aux États-Unis, 12% en Allemagne et 9% en Ontario.

Un déclin hâtif

Au Québec, le secteur de la fabrication a atteint son apogée en 2000, après quoi s'est amorcée une période de recul jusqu'en 2009. En Ontario, le véritable déclin a plutôt commencé après 2005. Selon les auteurs de l'étude, cela s'explique par le grand nombre d'entreprises de faible technologie, qui ont été plus vulnérables à l'appréciation du dollar canadien et à la concurrence des pays émergents. Malgré tout, la fabrication continue de peser plus lourd dans l'économie du Québec que dans celle de l'Ontario, et ce, en dépit de la forte présence de l'industrie automobile dans la province voisine.

Dans la moyenne mondiale

En 2011, le secteur de la fabrication représentait environ 19% du produit intérieur brut du Québec. En 2000, c'était plus de 30%. Mais quand on se compare, on se console. Toutes les économies industrialisées vivent le même phénomène depuis les années 80. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, le poids des industries manufacturières a aussi reculé dans des pays en développement comme le Mexique et la Chine, quoique dans des proportions beaucoup plus modestes.

La productivité progresse

Depuis des années, les experts de tout acabit incitent les entreprises manufacturières à améliorer leur productivité. Les fabricants ont compris le message. De 1984 à 2011, leur productivité a progressé de 67%, contre à peine 19% pour les entreprises de services. En 2011, le PIB atteignait 49$ par heure travaillée chez les fabricants, contre 32$ dans le secteur des services. Le hic, c'est qu'en raison de la diminution du poids de la fabrication dans l'économie, la hausse de la productivité de ce secteur n'a eu aucun effet sur la productivité de l'ensemble du Québec.

Les régions privilégiées

Ce n'est pas une grande surprise: les programmes d'aide gouvernementaux favorisent les entreprises manufacturières, plus particulièrement celles situées à l'extérieur des grands centres. Les politiciens affectionnent la création d'emplois dans les régions, qui pèsent lourd dans notre système électoral. Ainsi, en 2006-2007, le secteur manufacturier a reçu 38% de toute l'aide aux entreprises alors qu'il constituait 23% de l'économie. De façon similaire, 38% de l'aide gouvernementale à l'investissement est allée en 2012 aux régions éloignées, qui représentaient 20% de l'économie québécoise.

Trop d'aide indirecte

Le Québec est le champion de l'aide fiscale, celle qui prend la forme de déductions, d'exonérations et de crédits d'impôt. La province est beaucoup moins active dans le domaine de l'aide directe: subventions, prêts à taux avantageux et garanties de prêts. Or, l'aide directe est beaucoup plus efficace pour encourager la recherche et développement parce qu'elle permet un meilleur suivi des efforts des entreprises, soutiennent les auteurs de l'étude. «En cherchant à aider impartialement toutes les entreprises par l'entremise de crédits fiscaux, on dénature les objectifs de l'aide gouvernementale et on nuit à la relance du secteur manufacturier», écrivent-ils.

Résultats décevants

Au Québec, l'aide gouvernementale en matière de recherche et développement est l'une des plus généreuses parmi les pays de l'OCDE, mais ses résultats sont peu probants, estiment les auteurs de l'étude, qui n'hésitent pas à parler d'«échec». En 2010, le financement public de la R et D a représenté 0,2% du PIB au Québec, contre 0,4% en France, 0,35% aux États-Unis et moins de 0,1% en Allemagne. Or, les dépenses des entreprises en R et D ont atteint moins de 1,5% du PIB au Québec en 2011, contre 3,5% en Israël, 3% en Corée du Sud et près de 2% en Allemagne. Pire encore, le Québec est l'un des endroits où le nombre de brevets déposés est le plus faible.

L'heure de la réforme a sonné

L'arrivée d'un nouveau gouvernement à Québec est l'occasion de lancer une véritable réforme des programmes d'aide aux entreprises, croit l'un des auteurs de l'étude, Robert Gagné, professeur à HEC Montréal. «Si on revoit ça de manière intelligente, il est peut-être possible d'avoir plus d'impact avec moins d'argent», dit-il. Voici les trois principales recommandations du rapport à l'intention du gouvernement:

Augmenter le recours à l'aide directe (subventions, prêts, garanties de prêts, etc.) et diminuer l'aide indirecte (crédits d'impôt).

Orienter l'aide financière pour qu'elle réponde aux besoins structurels du secteur de la fabrication plutôt que de chercher à soutenir le plus grand nombre d'entreprises possible.

Revoir l'aide aux régions en mettant la priorité sur la productivité des entreprises plutôt que sur la création d'emplois.