Le premier milliard de chiffre d'affaires. Pour plusieurs entreprises, il s'agit d'une étape importante, sinon symbolique, d'un plan de développement.

Et ça l'est d'autant plus chez Stella-Jones [[|ticker sym='T.SJ'|]], une entreprise montréalaise habituée à passer relativement inaperçue dans la presse financière et en Bourse.

Est-ce à cause de son secteur d'affaires jugé trop traditionnel: la fabrication de poteaux et de traverses de chemin de fer en bois traité? Ou en raison du faible volume de transactions de ses actions en Bourse, malgré sa capitalisation de 2 milliards?

«Notre objectif principal, chez Stella-Jones, ce n'est pas de devenir la plus grosse entreprise dans notre secteur. C'est plutôt d'être la meilleure pour nos clients, ce qui peut ensuite apporter le plus de valeur pour nos actionnaires», a résumé le président et chef de la direction, Brian McManus, au cours d'un entretien au siège social de Stella-Jones dans l'arrondissement de Saint-Laurent, dans l'ouest de l'île de Montréal.

Un parcours hors de l'ordinaire

Malgré la modestie de son président, le parcours de Stella-Jones depuis quelques années sort de l'ordinaire. D'autant plus qu'il est jalonné de nombreuses acquisitions qui - on l'a parfois vu ailleurs - auraient pu devenir causes d'indigestion financière et administrative.

Pas chez Stella-Jones, dont l'actif, qui a doublé en cinq ans, se compose maintenant d'un réseau de 38 usines réparties dans 5 provinces canadiennes et 17 États américains.

Côté résultats, Stella-Jones aura aussi doublé ses revenus en cinq ans lorsqu'elle aura franchi le seuil du milliard cette année, comme le prévoit son plan d'affaires à court terme et comme s'y attendent les analystes boursiers.

Stella-Jones a aussi doublé son profit d'exploitation depuis cinq ans, tout en triplant presque son bénéfice net.

Son actionnariat, qui comprend ses dirigeants, de nombreux employés et des investisseurs boursiers, en a largement profité. À la Bourse de Toronto, le rendement total (prix + dividende) des actions de Stella-Jones atteint 219% depuis trois ans et 578% depuis cinq ans. C'est en moyenne 10 fois plus que celui de l'indice de marché S&P/TSX.

Dans ce contexte, comment Stella-Jones pourra-t-elle maintenir une telle cadence avec son plan d'affaires à moyen terme?

Avec ses dernières acquisitions dans l'Ouest, les deux principales divisions de l'entreprise - les poteaux et les traverses ferroviaires - peuvent désormais prétendre à la plus grosse part de leur marché respectif en Amérique du Nord.

«Nous avons encore des occasions de croissance en vue pour nous amener autour de 1,5 milliard de chiffre d'affaires d'ici cinq ans, tout en nous assurant que cette croissance demeure bien rentable», indique le président, Brian McManus. Toutefois, il admet que les sources principales de cette croissance changeront un peu par rapport aux dernières années.

Des acquisitions plus rares

Du côté des projets d'acquisition, M. McManus constate que les bonnes occasions se raréfient dans les deux principaux marchés de Stella-Jones. L'entreprise a néanmoins l'oeil sur un important segment du marché, celui des poteaux de pin blanc, dont elle est encore absente. «Ce segment est encore très fragmenté, ce qui pourrait nous amener une occasion d'acquisition d'ici à quelques années. Mais ce n'est pas dans nos priorités pour le moment», indique le président de Stella-Jones.

Ce qui l'est davantage, explique-t-il, c'est de bien préparer et de bien gérer l'important cycle de remplacement de poteaux en Amérique du Nord, qui se précise après des années d'anticipation.

Les entreprises d'électricité et de télécommunications doivent remplacer un nombre croissant de poteaux installés il y a un demi-siècle, qui sont à la fin de leur vie utile. Comme fournisseur de premier plan, Stella-Jones voit aussi s'accroître, parmi ses principaux clients, les intentions d'achats supplémentaires, qui s'ajouteraient à leurs commandes habituelles.

Pendant ce temps, un cycle de remplacement comparable se prépare aussi dans le marché des traverses de chemin de fer en Amérique du Nord, alors que la plupart des transporteurs ferroviaires augmentent leurs dépenses de rénovation.

Selon l'association des fournisseurs de traverses (Rail Tie Association), les intentions d'achat cette année atteignent le nombre record de 25,1 millions de pièces, 22% de plus que la moyenne depuis 10 ans.

Pour Stella-Jones, cette conjoncture s'annonce très favorable à la croissance continue de ses résultats pour quelques années. Mais non sans défis de gestion à court terme, liés surtout à la pression sur les approvisionnements de pièces de bois franc sciées.

«La capacité des usines de sciage est un peu plus serrée ces temps-ci. Mais on s'y attendait puisque la moitié des 4000 scieries en Amérique du Nord ont fermé depuis la crise de 2008 et qu'on commence à peine à y réinvestir», indique Brian McManus.

Partenariats financiers

Pour parer à cette situation, Stella-Jones est engagée depuis un bon moment dans des partenariats financiers plutôt que de simples contrats commerciaux avec ses principaux fournisseurs et clients dans le marché des traverses ferroviaires.

Avec ses fournisseurs de bois scié, Stella-Jones peut utiliser ses disponibilités financières pour participer au financement des stocks et de projets d'ajout de capacité.

Pour ses principaux clients, c'est-à-dire les grands transporteurs ferroviaires, Stella-Jones a mis sur pied un programme nommé Black Tie pour la gestion intégrée de leurs approvisionnements en traverses.

Cette gestion s'étend des étapes des inventaires de pièces de bois franc jusqu'à la livraison des traverses traitées et prêtes à être installées sous les rails.

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L'ENTREPRISE

> Activités: fabrication de poteaux, de traverses ferroviaires et de produits de bois traité pour la construction et la rénovation dans 38 sites industriels au Canada et aux États-Unis.

> Effectif: 1450 employés

> Siège social: Montréal

> Année de fondation: 1992

> Principaux actionnaires: Tom Bruce Jones (président du conseil), Gianni Chiarva (vice-président du conseil) et autres administrateurs ou dirigeants (40%), fonds Neuberger Berman (4,4%, New York), fonds Royce&Associates (3,6%, New York)

> Chiffre d'affaires en 2013: 970 millions (+73% en 3 ans)

> Marge bénéficiaire d'exploitation en 2013: 14% (+4 points en 3 ans)

> Bénéfice net en 2013: 92,5 millions (+168% en trois ans)

> Bénéfice net par action dilué en 2013: 1,34$ (+139% en trois ans)

> Actif: 1,07 milliard (+107% en trois ans)

> Rendement courant en dividende (au 25 avril): 0,9%

Sources: Stella-Jones, agence Bloomberg, Bourse de Toronto

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CE QU'EN PENSENT LES ANALYSTES

«Stella-Jones s'est bâti une position de tête sur le marché nord-américain des traverses de chemins de fer et des poteaux de services publics en bois traité. Pour ses actionnaires, sa récente hausse de dividende [40%] n'est qu'une première étape vers un titre à haut rendement lorsque l'entreprise aura épuisé le potentiel de bonnes occasions d'acquisitions de croissance.»

- Leon Aghazarian, analyste à la Financière Banque Nationale à Montréal

«Stella-Jones est une entreprise bien gérée qui s'appuie sur de solides éléments fondamentaux et une direction conséquente. Elle a de bonnes possibilités de croissance à moyen terme avec l'intégration de récentes acquisitions. Toutefois, sa croissance pourrait ralentir un peu à l'avenir puisqu'elle a déjà acquis une part significative de ses principaux marchés.»

- Pierre Lacroix, analyste à Valeurs mobilières Desjardins à Montréal

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LES FORCES ET LES FAIBLESSES

Les forces

> nouveau cycle de croissance dans ses principaux marchés (poteaux et traverses ferroviaires en bois traité)

> compétence éprouvée pour la recherche, l'achat et l'intégration d'actifs pour l'expansion des capacités et des revenus

> compétence de gestion entrepreneuriale des capacités de production réparties sur tout le continent

> flux financiers avantageux pour de prochaines hausses de dividendes aux actionnaires

Les faiblesses

> pression sur la capacité d'approvisionnement en bois franc scié avec le regain conjoncturel de la demande

> revenus relativement concentrés parmi quelques gros clients

> dépendance du marché nord-américain, avec potentiel encore faible d'exportations outremer rentables

> amenuisement du potentiel d'autres acquisitions intéressantes dans ses principaux marchés

Source: rapports d'analystes