Après avoir acheté un concurrent ontarien le 13 mai dernier, la société de commercialisation Nutri-Oeuf, de Saint-Hyacinthe, est déjà en train de négocier une autre acquisition à l'extérieur du Québec. La croissance externe se poursuit de plus belle, notamment en Ontario, où la société a multiplié par sept son volume de production depuis son arrivée en 2005.

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L'augmentation de la production, qui atteint déjà à ce jour 1,1 milliard d'oeufs au Canada, est un passage obligé pour la croissance de Nutri-Oeuf, qui classe et commercialise les oeufs qu'elle reçoit des producteurs. Les marges de profit sont extrêmement faibles et à peu près impossibles à augmenter, de sorte que les meilleures perspectives résident dans la multiplication des douzaines à mettre sur le marché.

Jusqu'en 2005, les activités de Nutri-Oeuf se limitaient au Québec. La société, propriété de 33 producteurs québécois, a alors changé de cap et pris le chemin de l'expansion pour assurer sa place dans le marché ultraconcurrentiel.

«Ç'a été notre meilleure décision d'affaires, affirme le directeur général de Nutri-Oeuf, Richard Decelles. Il fallait prendre une envergure nationale pour répondre aux besoins des grands clients qui cherchent des fournisseurs nationaux.»

Aujourd'hui, l'entreprise maskoutaine est au coeur de Groupe-Nutri, qui regroupe toutes les entreprises canadiennes qu'elle a achetées depuis 2005. Le groupe a un chiffre d'affaires de 150 millions de dollars et détient 38% des parts de marché au Québec, plus de 50% dans les Maritimes et au Manitoba, de même que 10% en Ontario. L'achat d'un concurrent de la banlieue de Toronto, en mai, lui permet encore d'augmenter son approvisionnement chez les producteurs ontariens et de mettre la main sur des contrats de vente avec des clients.

«On cherche toujours d'autres acquisitions», ajoute M. Decelles.

Faible marge

Entre le prix versé aux producteurs et le prix payé par les clients, la marge est faible, soutient Richard Decelles. Par exemple, le prix payé aux producteurs au tournant du mois de juillet était de 1,85$ par douzaine d'oeufs de gros calibre. Un supermarché affichait hier une douzaine de ces oeufs à 2,06$. C'est donc dire que le détaillant et Nutri-Oeuf doivent se partager une marge d'une vingtaine de cents.

Une augmentation de marge de 1 cent par douzaine d'oeufs apporterait 500 000$ de profits supplémentaires pour Groupe-Nutri, mais elle risquerait de pousser le client dans les bras d'un des deux autres grands joueurs pancanadiens: Fermes Burnbrae et National Egg, qui ont également des partenaires au Québec.

«Dans ce contexte, une augmentation des coûts ne peut être couverte que par une augmentation de la production», explique Richard Decelles.

Une usine à oeufs

Pour maximiser le nombre d'oeufs sur le marché, l'efficacité est de mise. En fait foi l'usine de Saint-Hyacinthe, approvisionnée par 1,5 million de poules pondeuses réparties chez 45 producteurs. En entrant dans l'usine, qui dessert le Québec, nous sommes entourés par quelques centaines de milliers d'oeufs de toute sorte: blanc ou brun, petit, moyen ou gros, bio, oméga-3, oméga-3 bio.

Les oeufs sont classés, lavés et séchés. Une lumière orangée permet à un employé de voir l'intérieur de l'oeuf et de repérer les doubles jaunes, qui seront vendus à part.

Un système de caméra vérifie ensuite si des saletés ont résisté au lavage. Puis, des centaines de petits bras mécaniques frappent simultanément les oeufs pour détecter le son de la moindre fêlure.

Par la suite, les oeufs sont pesés et dirigés vers les postes d'emballage. Seuls quelques oeufs ici et là se brisent dans le processus, un rien par rapport au gigantesque nombre de petits ovales blancs et bruns qui transitent par là. Les oeufs passent généralement 24 heures, voire 48 heures dans l'usine avant d'être livrés aux détaillants ou aux restaurateurs.

Pendant notre visite des installations, Richard Decelles, qui dirige Nutri-Oeuf depuis 1987, ne cache pas la fierté que lui apportent l'entreprise et l'usine de Saint-Hyacinthe.

Malheureusement, souligne-t-il, de moins en moins de consommateurs peuvent partager cette fierté. Les marques maison prennent de plus en plus de place dans les épiceries, au détriment des autres marques. Pour Nutri-Oeuf, qui produit les marques maison de ses clients, cela ne change rien aux revenus, mais Richard Decelles aimerait quand même que le nom Nutri-Oeuf ne disparaisse pas des tablettes.