Après de longs mois de lutte acharnée entre les plus grands groupes mondiaux de l'agroalimentaire, l'américain General Mills, propriétaire des glaces Häagen-Dazs, a gagné la bataille pour le contrôle des yogourts Yoplait, pépite française couvée jusqu'au sommet de l'État.

«On est entré en négociation exclusive avec General Mills», a déclaré à l'AFP un porte-parole du fonds d'investissement PAI Partners, qui avait mis en vente la moitié de la marque à la petite fleur, les autres 50% étant détenus par le groupe coopératif français Sodiaal.

Ces discussions vont permettre à General Mills, sixième groupe agroalimentaire mondial, de devenir actionnaire majoritaire de Yoplait, avec 51% du capital, car Sodiaal a accepté de lui vendre 1% de sa participation.

Le géant américain va débourser au total plus de 800 millions d'euros (1,2 milliards de dollars canadiens), ce qui valorise à 1,6 milliard (2,2 milliards de dollars) la totalité du capital de Yoplait, dont les ventes s'établissaient à 3,5 milliards d'euros (environ 5 milliards de dollars) dans le monde en 2010.

Les instances représentatives du personnel doivent être consultées rapidement, et un comité central d'entreprise extraordinaire (CCE) de Yoplait est prévu la semaine prochaine à Paris.

Le gouvernement, qui suivait de près le dossier et privilégiait une solution de reprise française, a manifesté son humeur en prenant «acte» de l'ouverture de ces négociations et rappelant son souci «de préserver les emplois et l'avenir de la filière laitière en France».

Il a également laissé entendre que le Fonds stratégique d'investissement (FSI) étudiait la possibilité d'entrer au capital, sans plus de précision.

Interrogés par l'AFP, des porte-parole de General Mills et du fonds PAI se sont refusés à tout commentaire. «Nous, on continue», a d'indiqué General Mills. Sodiaal n'était pas disponible.

Côté syndical, cette annonce inquiète également. «Nous sommes choqués par la décision de Sodiaal de diminuer sa part. Yoplait est une marque française et doit le rester. On attend les précisions», a dénoncé Thierry Renaudin, délégué CGT de Yoplait, premier syndicat du groupe.

Avec ce rachat, Yoplait, qui emploie environ 1400 personnes en Europe dont 1250 en France, serait divisé en deux: une société d'exploitation avec l'outil de production et une société contrôlant les marques et encaissant les royalties. Cette division juridique garantirait «l'ancrage français» du groupe, puisque Sodiaal, qui comprend 9000 producteurs de lait français, en détiendrait la moitié du capital.

«On voulait que Yoplait reste français», a expliqué un porte-parole de PAI. «Sodiaal n'est pas cotée, elle n'est donc pas opéable (et), les centres de recherche et le siège social de Yoplait restent en France», a-t-il ajouté.

Le projet de General Mills prévoit un renforcement des positions de Yoplait en Europe et une accélération de son développement dans les marchés émergents, en Chine, où le producteur laitier est absent, et en Inde, résument Sodiaal et PAI.

Cette offre met aussi fin au litige qui opposait General Mills, le franchisé de Yoplait aux Etats-Unis, et le groupe français sur le montant des redevances versées par la société américaine. Le jugeant trop bas, la marque à la petite fleur avait dénoncé le contrat en 2010, mais l'exploitant des conserves Géant Vert avait porté l'affaire devant les tribunaux.

Les concurrents de General Mills pour ce rachat étaient le chinois Bright Food, dont l'offre était jugée la plus attractive en termes de prix, le numéro un mondial de l'agroalimentaire, le suisse Nestlé, le mexicain Lala, les français Bel et Lactalis.

PAI avait acheté la moitié de Yoplait en 2002 pour 71 millions d'euros, alors que Sodiaal était en quête d'argent frais.