Deux factions s'opposent à Washington face à la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et leur désaccord a été révélé au grand jour, vendredi. Les uns veulent conclure un accord le plus rapidement possible, alors que les autres souhaitent poursuivre de plus longs pourparlers, possiblement jusqu'à l'année prochaine.

Ces tensions étaient bien présentes tout le long des récentes rondes de négociation, mais cette semaine, elles ont fait surface dans l'espace public et le gouvernement canadien a clairement annoncé de quel côté il se rangeait.

Le gouvernement Trudeau a laissé savoir publiquement qu'il est de ceux qui veulent conclure rapidement un accord, selon ce qui a filtré des commentaires de Justin Trudeau et de deux conversations privées avec le président Donald Trump.

Il a des alliés dans l'administration, d'après ce qu'a déclaré le conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow et le secrétaire de l'Agriculture, Sonny Perdue, qui ont tous deux témoigné leur espoir d'une conclusion rapide.

Le gendre de M. Trump, Jared Kushner, est demeuré muet en public, mais il s'est plusieurs fois déplacé de la Maison-Blanche jusqu'au siège du département du Commerce de l'autre côté de la rue, pour prêter main-forte aux négociateurs.

Mais l'un des principaux opposants à un accord rapide s'est aussi exprimé cette semaine: le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.

«(Nous) ne sommes pas du tout près d'une entente», a-t-il affirmé dans une rare prise de parole publique.

«Il y a encore des divergences béantes.»

Mais la lutte entre ces deux factions est loin d'être terminée. Des représentants de toutes les parties cultivent l'espoir de conclure un accord rapidement, selon des sources bien informées. Donald Trump et Justin Trudeau en ont d'ailleurs parlé lors d'une conversation téléphonique, jeudi soir.

L'une des raisons pour lesquelles les Canadiens et certains Américains souhaitent un accord rapide est de dissiper l'incertitude, qui a perturbé l'investissement au Canada, en plus d'avoir affecté les États agricoles aux États-Unis.

Cette semaine, lors de son passage aux États-Unis, M. Trudeau a laissé entendre que les industries n'étaient pas celles qui empêchaient la conclusion d'un accord, mais que les obstacles résidaient surtout dans l'insistance des Américains pour ajouter une clause crépusculaire de cinq ans et pour retirer les mécanismes de règlement de différends.

M. Trudeau s'est d'ailleurs moqué de la clause de résiliation de cinq ans, en utilisant une métaphore immobilière: «Est-ce que quelqu'un construirait un édifice si l'entente sur le terrain pouvait prendre fin dans cinq ans?»

M. Lighthizer a rétorqué en dévoilant dans un communiqué plusieurs autres enjeux qui restent à être éclaircis, dont l'agriculture et la propriété intellectuelle.

L'avocat spécialisé en commerce Dan Ujczo croit que ces tensions opposent M. Lighthizer à d'autres, comme MM. Perdue et Kushner, et le secrétaire du Commerce, Steve Mnuchin. D'après lui, même le président serait favorable à une conclusion rapide.

Selon lui, avec son communiqué, Robert Lighthizer a tenté d'expliquer qu'une entente conclue maintenant ne permettrait pas d'aborder plusieurs enjeux, et pourrait éventuellement nuire aux républicains pour les élections de mi-mandat plus tard cette année.

À Québec, vendredi, le premier ministre Philippe Couillard a affirmé aux journalistes: «Vaut mieux retarder que d'avoir une mauvaise entente.»

«Les éléments importants pour le Québec, vous les connaissez, que ce soit la question de l'agriculture, la gestion de l'offre, l'exception culturelle et également le mécanisme de résolution des différends... Ce ne sont pas des détails», a ajouté M. Couillard.