Malgré les coups de frayeur des marchés financiers ces dernières semaines, la banque centrale américaine (Fed) ne devrait pas, sauf grosse surprise, relever ses taux d'intérêt à l'issue d'une réunion monétaire mercredi, estiment la plupart des analystes.

Le Comité de politique monétaire (FOMC) qui se réunit les 20 et 21 septembre publiera un communiqué mercredi accompagné de ses prévisions économiques trimestrielles. La présidente Janet Yellen tiendra ensuite une conférence de presse attendue.

Au gré des discours des membres de la Fed, qui s'avèrent divisés sur le calendrier de la prochaine hausse des taux, Wall Street et les marchés mondiaux ont récemment évolué en dents de scie, s'alarmant d'une imminence d'un renchérissement du crédit avant de se réjouir d'indicateurs mitigés qui en éloignaient l'échéance.

«Les chances d'un relèvement des taux (mercredi) sont plutôt minces, à environ 20 %», résume pour l'AFP Tim Duy, professeur d'économie à l'Université d'Oregon.

«Le souci est qu'en relevant les taux trop tôt, la Fed ralentisse l'économie et le marché du travail de façon prématurée», ajoute-t-il.

Même très bas à 4,9 %, le taux de chômage a encore une marge d'amélioration compte tenu des plus de 6 millions de salariés qui ne trouvent pas d'emploi à temps plein et le faible taux de participation au marché du travail.

Quant à l'inflation, l'autre mandat de la Fed,; qui voudrait voir la hausse des prix autour de 2 %, elle ne se situe qu'à 0,8 % sur un an, selon l'indice PCE, baromètre favori de la banque centrale.

«Le reste du monde est faible»

Autre argument de poids, qui a déjà plusieurs fois fait rengainer la Fed pourtant sur le point d'entamer la normalisation de ses taux: la faiblesse de l'économie à l'étranger.

Début juin, la majorité des membres du FOMC croyaient encore à deux hausses des taux au jour le jour d'ici la fin de l'année, alors que ceux-ci sont dans la fourchette de 0,25 % à 0,50 % depuis décembre dernier. Mais, depuis, il y a eu les craintes autour du référendum britannique du Brexit, du ralentissement chinois, de la torpeur de l'économie européenne.

«Ils sont moins pressés parce que le reste du monde est faible», affirme Joseph Gagnon, du Peterson Institute for International Economics.

«Tant que l'Europe et le Japon détendent leur politique monétaire, ils ne veulent pas resserrer la leur», explique à l'AFP cet ancien économiste de la Fed qui estime néanmoins que la banque centrale agira en décembre.

«Cela montre que le monde est plus interconnecté que jamais», ajoute-t-il rappelant qu'avec la léthargie des économies mondiales et la force du dollar, les États-Unis perdent des exportations. Une hausse des taux risquerait de faire encore s'apprécier le billet vert.

Mais les arguments pour bientôt renchérir le coût du crédit s'amoncellent aussi.

Bruits de campagne

Wall Street l'a bien senti, l'indice S&P 500 perdant 2,5 % le 9 septembre, lorsqu'Eric Rosengren, un membre de la Fed pourtant réputé être une «colombe» partisan des taux bas, a tiré la sonnette d'alarme sur les risques de bulle financière. La politique prolongée des taux bas gonfle les actifs boursiers et les prix de l'immobilier commercial, les investisseurs se lançant dans la course aux rendements.

À cela s'ajoutent les bruits de la campagne électorale présidentielle. Le candidat républicain à la Maison-Blanche Donald Trump a jeté un pavé dans la mare en accusant la banque centrale de faire le jeu des démocrates. Il a affirmé que Janet Yellen «gardait les taux artificiellement bas pour permettre à Obama de partir» sans faire face aux conséquences d'une éventuelle hausse. Un relèvement des taux est toujours impopulaire car il se répercute sur le coût des crédits à la consommation et des prêts immobiliers.

Mais les membres de la Fed «ne font pas de politique», assure Joseph Gagnon. «Il y a toutes sortes de points de vue au sein du Comité monétaire et ils n'ont jamais rien fait qui bénéficie clairement à un parti plutôt qu'à un autre», affirme cet ancien expert de la banque centrale.

Cela promet en tout cas «un robuste débat» au sein du Comité cette semaine, a prévenu Dennis Lockhart, de la Fed d'Atlanta et peut-être davantage de dissensions autour de la décision. «C'est probablement un des Comités les plus divisés depuis longtemps, l'économie est tellement sur le fil du rasoir», ajoute M. Gagnon.