L'administration Obama a dévoilé lundi une série de mesures compliquant l'exil fiscal des multinationales américaines qui sont plus de plus tentées de se domicilier artificiellement à l'étranger pour échapper à l'impôt aux États-Unis.

Afin de contourner l'opposition républicaine au Congrès, l'exécutif américain a agi par ordonnance, estimant ne «pas pouvoir attendre» face à la récente multiplication de ces opérations baptisées «corporate inversions», a indiqué le département du Trésor américain dans un communiqué.

Le président Barack Obama a aussitôt applaudi cette tentative d'«inverser cette tendance» face à ces transactions qui laissent, selon lui, «la classe moyenne régler l'addition».

Ces «inversions» reposent sur un principe aussi simple que légal: une entreprise qui rachète une rivale à l'étranger peut y installer son siège social et fiscal tout en conservant ses activités et ses structures de direction aux États-Unis.

Des poids lourds de l'industrie pharmaceutique (Medtronic, Mylan...) ou agro-alimentaires (Chiquita Brands, Burger King...) se sont engouffrés dans la brèche et s'apprêtent à se domicilier fiscalement dans des pays - notamment aux Pays-Bas - où l'impôt sur les sociétés est bien moins élevé qu'aux États-Unis (35%).

«Ces transactions érodent l'assiette fiscale américaine, plaçant injustement un fardeau plus lourd sur les autres contribuables, dont les petites entreprises et les travailleurs américains», assure le Trésor dans son communiqué.

Pour mettre un frein à cette pratique qu'elle a qualifiée d'«anti-patriotique» par ces temps de déficit, l'administration introduit une série de mesures techniques dont l'entrée en vigueur est immédiate.

Élan international

Trois d'entre elles visent à empêcher les entreprises américaines de puiser dans le trésor de guerre de quelque 2000 milliards de dollars qu'elles ont accumulé à l'étranger, à l'abri du fisc américain, pour financer des fusions-acquisitions.

Une autre mesure est censée combler une faille bien précise de la loi. Aux termes de la règlementation actuelle, au moins 20% du capital de la nouvelle entreprise née de la fusion-acquisition doit être détenu par de nouveaux actionnaires pour qu'elle puisse se domicilier fiscalement à l'étranger.

Pour gonfler artificiellement cette part et contourner cette règle, certaines entreprises incluaient jusque-là des «actifs passifs», mais elles ne seront désormais plus autorisées à le faire.

«Ces premiers pas ciblés scellent des progrès importants pour freiner les techniques très créatives utilisées pour échapper aux impôts américains», a déclaré le secrétaire au Trésor Jacob Lew, cité dans le communiqué.

Selon lui, ce nouvel arsenal va réduire les «bénéfices économiques» de ces transactions et pourrait même «simplement les stopper».

La nouvelle réglementation est moins radicale que celle qui était prévue dans le projet de budget 2015, resté lettre morte, et ne sera ainsi pas rétroactive.

Elle s'appliquera en revanche aux transactions en cours qui ont été annoncées, mais pas encore finalisées, a précisé un responsable de l'administration sous couvert de l'anonymat.

Cet officiel n'a en revanche pas pu dire avec certitude si ces règles s'appliqueront au groupe Burger King, qui a annoncé fin août sa domiciliation au Canada, où l'impôt sur les sociétés est moins élevé, à la faveur du rachat des cafés Tim Hortons, suscitant des appels au boycott aux États-Unis.

À l'approche des élections législatives de novembre, le camp républicain n'a pas manqué de critiquer l'approche de l'administration Obama et de fustiger le taux de l'impôt sur les sociétés, le plus élevé parmi les pays industrialisés.

«Il faut simplifier et réformer notre code des impôts obsolète pour ramener des emplois dans le pays, contribuer à faire croître notre économie et créer encore plus d'emplois américains,» a réagi Michael Steel, le porte-parole du chef de file de l'opposition républicaine au Congrès John Boehner.

Contestées aux États-Unis, les mesures de l'administration Obama interviennent à un moment où la communauté internationale intensifie son action contre l'optimisation fiscale des grandes entreprises.

Le week-end dernier en Australie, les pays industrialisés et émergents du G20 ont ainsi renouvelé leur souhait de combattre ces pratiques en s'appuyant sur les récentes recommandations-choc de l'OCDE centrées notamment sur les géants de l'économie numérique.