Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale des Etats-Unis (Fed) a entamé mardi une réunion de deux jours à Washington, à l'issue de laquelle il pourrait poursuivre la lente réduction de ses injections de liquidités.

«Le Comité monétaire (FOMC) a commencé sa réunion à 14 h comme prévu», a indiqué mardi un porte-parole de l'institution monétaire.

Le FOMC devrait rendre sa décision publique dans un communiqué mercredi après-midi.

C'est la dernière réunion présidée par Ben Bernanke, 60 ans, qui est à la tête de la banque centrale depuis huit ans. Il passe les rênes vendredi soir à Janet Yellen, qui deviendra la première femme à diriger la Fed. Néanmoins aucune conférence de presse n'est prévue pour cette réunion ordinaire du FOMC.

Les analystes s'attendent à ce que la Fed continue de réduire de 10 milliards de dollars, à 65 milliards, ses achats mensuels d'actifs destinés à soutenir la reprise et peser ainsi sur les taux d'intérêt. Les taux directeurs quant à eux doivent rester proches de zéro.

Lors de sa précédente réunion le 18 décembre, le FOMC avait signalé dans son communiqué que «si les informations lui parvenant confirmaient ses prévisions d'amélioration du marché du travail et de retour de l'inflation vers son objectif de long terme, le Comité réduirait vraisemblablement le rythme de ses achats d'actifs par étapes mesurées au cours des prochaines réunions».

Les créations d'emploi ont déçu en décembre, à 74.000 seulement, mais ce mauvais chiffre est selon les analystes dû pour bonne part aux conditions hivernales exceptionnelles. En outre, il n'a pas empêché le taux de chômage de glisser de 0,3 point à 6,7%, au plus bas depuis 2008.

Le programme d'achats d'actifs, commencé il y a 16 mois pour maintenir des taux bas, favoriser l'investissement et l'emploi alors que déjà les taux directeurs sont quasi nuls depuis fin 2008, a fait gonfler le bilan de la Réserve fédérale à plus de 4.000 milliards de dollars.

La majorité des analystes estiment que les perturbations sur les marchés émergents -où les devises turques et argentines notamment subissent de sévères corrections-, ne devraient pas faire dévier la Fed de son intention de retourner progressivement à des outils de politique monétaire plus normaux, en réduisant ses achats de bons du Trésor et de titres hypothécaires.

«C'est aux banques centrales de ces pays de répondre, pas à la Fed», résumait Paul Ashworth, pour Capital Economics.

La Banque centrale indienne a d'ailleurs relevé mardi son taux directeur d'un quart de point pour lutter contre l'inflation.

Bernanke s'apprête à quitter la Fed

Ben Bernanke, qui dirige mardi sa dernière réunion de politique monétaire à la tête de la Réserve fédérale (Fed), est un ancien professeur d'économie spécialiste de la Grande Dépression, crédité d'être parvenu à faire sortir l'économie américaine de la crise.

À la tête de la banque centrale américaine depuis près de huit ans, M. Bernanke, 60 ans, laisse vendredi la place à une femme pour la première fois de l'histoire de l'institution, en la personne de Janet Yellen, qui en était vice-présidente.

Projeté sur le devant de la scène par la crise immobilière et financière de 2008, cet homme discret a été à l'époque vigoureusement critiqué pour son action.

Nommé en 2006 à la succession d'Alan Greenspan qu'on surnommait «l'Oracle» après 18 ans à la direction de la Fed, M. Bernanke a en effet été accusé de devoir éteindre un feu qu'il avait lui-même allumé en favorisant une bulle immobilière qu'il n'avait pas vue venir.

Il admet lui-même qu'il a été «lent à reconnaître la crise».

Il s'est ensuite engagé dans une politique de relance monétaire sans précédent face à un choc exceptionnel, maintenant une politique de taux proche de zéro et injectant des liquidités en masse dans le circuit financier.

«Nous avons pris des mesures extraordinaires pour faire face à des défis économiques extraordinaires», commentait-il récemment, rappelant combien les aides aux banques en difficulté avaient été impopulaires.

Il s'est vu surnommer «Ben l'hélicoptère» après un discours prononcé en 2002, aux allures prémonitoires: il y évoquait une théorie de l'économiste Milton Friedman qui décrivait un banquier central arrosant une foule de billets de banque depuis un hélicoptère pour juguler la déflation.

Ce spécialiste de la crise des années 30 sera hanté par la volonté de ne pas répéter les erreurs de l'Histoire, rappelant que la politique restrictive de la Fed à l'époque n'avait fait qu'accélérer la chute de la production et de l'emploi. «Il faut garder cela à l'esprit lorsqu'on considère les réponses de la Fed à la crise de 2008-2009», se défendait-il encore début janvier à Philadelphie. Il reconnaît avoir passé de nombreuses nuits sans sommeil pendant cette période.

M. Bernanke se dit par ailleurs «fier d'avoir accru la transparence» de la banque centrale, un objectif qui lui tenait à coeur.

En douceur, ce barbu presque chauve, posé et bonhomme, a bouleversé les habitudes de l'institution.

C'est lui qui introduit la tradition d'une conférence de presse quatre fois par an à l'issue de réunions du Comité de politique monétaire. Il publie un objectif d'inflation et innove avec ce qu'il baptise l'outil d'«orientation monétaire», où la Fed dévoile ce qu'elle compte faire.

À ceux qui affirment que sa politique a davantage profité à Wall Street qu'aux ménages américains, il assure avoir au contraire amélioré leur situation financière. «La Fed a fait une importante contribution au bien-être de la classe moyenne et des plus pauvres», se défendait-il en novembre dernier.

Exemple de la réussite par le travail, Ben Shalom Bernanke a grandi à Dillon, petite ville de Caroline du Sud (sud-est). Fils d'un pharmacien et d'une institutrice, il a fait des études brillantes à Harvard avant d'obtenir un doctorat en économie de l'Institut technologique du Massachusetts (MIT) et d'enseigner à la célèbre université de Princeton, dont il a dirigé le département économique de 1996 à 2002.

Nommé gouverneur à la Fed en 2002, il quittera son poste en 2005 pour présider le groupe des conseillers économiques du président George W. Bush, avant que celui-ci le nomme à la tête de la banque centrale pour un mandat de quatre ans. Il sera reconduit par Barack Obama qui louera ensuite son «travail formidable» pour sortir de la crise.

Pour ce père de deux enfants aux goûts simples, incollable sur le base-ball, la félicité suprême consiste à résoudre les mots croisés du New York Times un dimanche en compagnie de sa femme.