La réforme de Wall Street adoptée jeudi par le Congrès américain pour tenter d'éviter une nouvelle crise financière telle que celle qui a culminé à l'automne 2008, laisse encore certains experts dans le doute quant à son impact réel sur le système financier.

Les quelque 2300 pages du projet de loi constitue la plus vaste réforme du système financier américain depuis les années 30. Mais certains le perçoivent comme un ensemble de règles impuissantes à traiter les causes profondes du problème.

La Maison-Blanche met en avant la fin du sauvetage des institutions financières avec l'argent des contribuables.

L'opposition républicaine de son côté à déjà appelé à l'abrogation de la loi, alors que celle-ci n'a pas encore été promulguée par le président Barack Obama.

Les experts ont des avis moins tranchés.

«C'est un mélange, affirme Phillip Swagel, un ancien économiste du département du Trésor, professeur à l'université de Georgetown. Il y a des chose utiles, des choses qui n'ont pas d'impact et d'autres qui peuvent être carrément nuisibles.»

Thomas Ferguson, professeur de science politique à l'Université du Massachusetts assure de son côté que la réforme «ne s'attaque pas aux problèmes fondamentaux qui nous ont mis dans cette situation en 2008».

Il estime que les dispositions du texte échouent à limiter vraiment la taille des entreprises financières.

«Cela ne fait qu'esquiver le problème des compagnies trop grandes pour faire faillite», dit-il en réponse aux partisans du projet de loi qui assurent que la limitation du «risque systémique» va empêcher une répétition des sauvetages d'entreprises telles que l'assureur AIG ou la faillite catastrophique de la banque Lehman Brothers.

D'autres assurent que le texte va donner aux politiciens davantage de pouvoir pour intervenir sur les marchés.

L'un d'entre eux, Edward Yingling, président de l'Association des banques américaines (ABA), estime que les institutions financières se retrouvent désormais face à des «années d'incertitudes».

«Même après que le président aura signé le projet de loi de réforme de Wall Street, la réforme financière sera loin d'être achevée», note Gary Gensler, président de la CFTC, l'un des régulateurs financiers qui devront remplir par des réglementations les espaces laissés par les législateurs.

«Nous allons avoir un nombre significatif de règles à écrire et à mettre en place pour réguler le système financier», ajoute-t-il. «Rien qu'à la CFTC, nous avons défini 30 domaines dans lesquels nous pensons que des règles seront nécessaires».

Un certain nombre de ces règles couvriront le très complexe marché des produits dérivés. Ces outils spéculatifs ont été au coeur de la dernière crise financière.

Selon des analystes de l'agence de notation Moody's, les règles à définir devraient notamment prévoir une chambre de compensation centrale, plus de transparence, des exigences plus élevées en termes de marges et de capitaux, voire des plateformes boursières pour les produits dérivés.

Certains affirment en effet que les échanges boursiers apporteront de la transparence sur ce marché parfois opaque des dérivés et donc moins de risque pour les investisseurs, mais Moody's semble douter de cet argument, estimant que les risques seront simplement transférés.

Mais le plus grand «espace vierge» dans la réforme est vraisemblablement le Bureau de protection financière des consommateurs.

Le nouvel organisme sera hébergé au sein de la banque centrale (Fed), mais son patron pourra exercer son autorité bien au-delà du contrôle de la Fed et du Congrès.

«Tout le pouvoir de ce bureau dépend d'une seule personne, donc cela dépend vraiment de qui est cette personne et comment elle interprète sa mission», note M. Swagel.