Tout en constatant pour la première fois depuis la récession que «le marché du travail commence à s'améliorer» et que «les dépenses des ménages se sont récemment mises à croître», la Réserve fédérale américaine (Fed) juge qu'elle doit reconduire son taux directeur à son niveau plancher actuel.

Depuis décembre 2008, il se négocie dans la fourchette de 0 à 0,25%, parce que le Comité de politique monétaire de la Fed «continue d'anticiper que les conditions économiques, dont les faibles taux d'utilisation des ressources, les modestes pressions inflationnistes et les attentes d'inflation stables, militent pour le maintien à un niveau exceptionnellement bas du taux des Fed Funds durant une période prolongée».

Les marchés boursiers américains semblent avoir apprécié la répétition de cette formule. Sans devenir euphoriques, ils ont mis fin à la panique de mardi, déclenchée par la décote des dettes de la Grèce et du Portugal par Standard&Poors. Ce, malgré la seconde décote de la dette espagnole en 15 mois annoncée un peu plus tôt hier par l'agence de notation. «Peut-être la Fed a-t-elle choisi d'attendre sa communication du 23 juin pour exprimer ses vues, conjecturaient les économistes de Scotia Capitaux dans leur courriel suivant l'annonce de la décision. Peut-être en aurons-nous un aperçu lors de la publication du procès-verbal de cette réunion le 19 mai.»

Dans son communiqué, dont le gros du libellé est une copie conforme de celui du 18 mars, la Fed ne fait aucune allusion à la crise qui secoue la zone euro et qui est susceptible de faire tache d'huile si elle n'est pas vite résorbée.

Dissidence

Le président de la Réserve fédérale de Kansas City, Thomas Hoenig, a exprimé sa dissidence pour la troisième fois d'affilée. M. Hoenig, qui est un des 10 membres votants du Comité cette année, considère que l'expression «durant une période prolongée» n'est plus justifiée. À l'argument exprimé en mars voulant qu'elle peut conduire à la formation de déséquilibres et de risques accrus à la stabilité financière et macroéconomique, il ajoute cette fois qu'elle «limite la flexibilité du Comité pour commencer à augmenter les taux modestement».

«Le point clé de ce communiqué exceptionnellement ennuyeux, c'est que la Fed n'est pas pressée du tout d'augmenter les taux, remarque Eric Green, stratège américain de TD Valeurs mobilières (USA) LLC. Elle ne semble pas pressée de se casser la tête à gérer les attentes sur les taux, découlant de l'élimination de l'expression période étendue.»

Sur le front de l'inflation, la Fed s'attend toujours qu'elle demeure en deçà de sa zone de confort de 1,3% à 1,8%. «En fait, la désinflation prend de l'ampleur, fait remarquer Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins. Les dommages que la récession a fait subir à l'économie américaine sont tels que celle-ci a encore besoin d'une politique monétaire très expansionniste.»