Il est minuit et Henry Paulson participe à une séance de négociations afin de sauver Wall Street avec des membres influents du Congrès. Soudain, il ressent un malaise et doit quitter la salle de réunion. Aux prises avec des convulsions, il se prépare à vomir, mais rien ne sort.

Témoin de la scène, le chef démocrate du Sénat, Harry Reid, propose d'appeler un médecin. Le secrétaire au Trésor de l'administration Bush refuse. «Je suis seulement fatigué», explique Henry Paulson. L'incident galvanise les énergies du futur chef de cabinet de Barack Obama, Rahm Emanuel. «Il faut rassembler tout le monde et passer cette réforme», dit-il.

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Entre ses épisodes de vomissements, Henry Paulson a orchestré le plus important plan de sauvetage de l'histoire de l'économie américaine. Ses partisans font valoir qu'il a sauvé le système financier, ses détracteurs qu'il a permis à Wall Street de survivre jusqu'à la prochaine crise avec l'argent des contribuables. Dans son livre On The Brink, lancé hier, Henry Paulson livre sa version des faits et raconte les détails des négos du plan de sauvetage de 700 milliardsUS.

L'ex-secrétaire au Trésor y va aussi de quelques révélations-chocs, dont l'entente pour l'achat de Lehman Brothers conclue avec la banque britannique Barclays qui aurait été annulée par les régulateurs britanniques. «Les Britanniques nous ont baisés», s'est-il exclamé. La suite est connue: Lehman Brothers a déclaré faillite le 15 septembre 2008 et ses actifs ont été vendus à la pièce.

Une autre bombe larguée par Henry Paulson: la Russie aurait pressenti la Chine pour tenter de couler les prêteurs hypothécaires américains Fannie Mae et Freddie Mac, finalement sauvés par l'administration Bush.

Au fil de ses conversations avec les acteurs-clés du plan de sauvetage, Henry Paulson amène le lecteur dans les coulisses de négos passablement compliquées par la campagne présidentielle entre Barack Obama et John McCain. «J'ai été impressionné par Obama. Il était toujours bien informé, très préparé et très confiant. Il pouvait parler des enjeux de façon intelligente», écrit Henry Paulson.

Il lance plusieurs flèches à l'endroit de John McCain, plus réticent à appuyer son plan de relance. L'ancien secrétaire au Trésor est encore moins tendre envers sa colistière Sarah Palin. «Je ne suis pas certain qu'elle ait compris toutes les facettes (du plan de sauvetage)», écrit-il.

Le soir de l'élection présidentielle, Henry Paulson s'est endormi avant le dévoilement du résultat. Omission importante dans le livre: on ne sait pas pour qui Henry Paulson a voté.

Seul républicain dans sa famille, l'ex-PDG de Goldman Sachs a longuement hésité avant d'accepter le poste de secrétaire au Trésor de l'administration Bush, en mai 2006. «Tu embarques dans un bateau qui coule, lui a dit sa grand-mère démocrate. J'espère que tu ne seras pas confirmé par le Sénat!»

On the Brink

Henry Paulson

Éditions Hachette, 2010