La victoire républicaine de Scott Brown dans le Massachusetts mardi menace autant sinon davantage la restauration du système financier que la réforme du système de santé caressée par le président Barack Obama.

Ce, en dépit de la haine légitime que l'Américain moyen porte à Wall Street.

La haute finance s'affaire depuis un an à faire la cour aux élus de la droite démocrate regroupée dans la New Democrat Coalition. Le secteur financier a versé 24,9 millions US en contributions à la Coalition, selon le Center for Responsive Politics, cité par l'hebdomadaire Business Week. Cela équivaut à 14% de tout l'argent privé reçu par les élus. En juin, le président Obama, alors au faîte de sa popularité, avait lancé plusieurs chantiers pour colmater les brèches qui avaient provoqué la pire crise financière en 70 ans et pour amener les pontes financiers à moins d'arrogance.

Il visait la création d'une agence indépendante de protection financière du consommateur.

Si elle voit le jour, l'agence promise a toutes les chances de ne pas avoir les pouvoirs requis pour protéger le consommateur des taux usuraires pratiqués sur les cartes de crédit, des contrats d'achat ou de prêts hypothécaires alléchants dont certaines clauses discrètes s'avèrent très contraignantes au fil des ans.

Le président voulait un cadre réglementaire pour rendre plus transparents les marchés des produits dérivés (papiers commerciaux, contrats à terme, swaps, rehausseurs de crédit, etc.). Leur opacité est à la source même de la crise.

Depuis le sauvetage de Wall Street, ils sont redevenus la vache à lait des grandes banques, toujours confrontées par ailleurs à de lourdes pertes sur leurs activités de prêts découlant de la récession provoquée par le système financier.

En décembre la Chambre a adopté une loi qui soustrait les transactions de produits dérivés standards à une réglementation contraignante. Tout au plus, devront-elles faire l'objet d'une divulgation aux autorités réglementaires.

M. Obama désirait le morcellement d'institutions susceptibles de créer un risque systémique en cas de faillite. Les grandes banques sont maintenant plus grosses qu'avant la crise (JP Morgan a absorbé Bear Stearn, Bank of America a pris Merrill Lynch, etc.). L'abandon de ce chantier, pourtant souhaité par le G20, paraît d'autant plus probable que l'Europe fait preuve d'autant d'impuissance.

Il souhaitait enfin que la rémunération des banquiers soit encadrée de manière à ne pas les inciter à prendre des risques dangereux pour le système financier et, au bout du compte, pour l'économie réelle. Les institutions qui ont reçu l'aide de l'État, qui leur imposait un plafond à la rémunération, se sont empressées de le rembourser. Hier, Bank of America a déclaré une perte trimestrielle de 5,2 milliards US. Sans le remboursement hâtif des prêts fédéraux, la perte était limitée à 194 millions US. La direction pourra de nouveau se voter des primes, comme ses concurrents de JP Morgan, Goldman Sachs et consorts.

Le président souhaite enfin imposer une taxe spéciale aux plus grandes institutions de manière à ce que le contribuable recouvre tout l'argent déployé pour sauver le système financier. Cette taxe annoncée le 14 janvier doit rapporter 90 milliards US en 10 ans au Trésor.

Hier, le milliardaire démocrate Warren Buffett est parti en guerre contre elle. Influent, il est aussi un des principaux actionnaires de Golman Sachs, Bank of America et Wells Fargo, toutes trois membres du Top 10 du système financier.

Il sera certainement entendu tant par les démocrates que les républicains qui ont désormais le vent en poupe et qui votent en bloc contre toute réforme inspirée par l'administration Obama.

Cette discipline tranche avec ce qu'elle nous avait montré en fin de règne de George W. Bush. À l'automne 2008, l'ancien secrétaire au Trésor Henry Paulson avait présenté un plan de sauvetage du système financier de 750 milliards US. Pendant plusieurs jours, bon nombre de représentants républicains s'y étaient opposés, prétextant que Wall Street n'avait que ce qu'elle méritait. C'est le vote groupé des démocrates qui avait finalement permis le sauvetage de Wall Street.

Pourra-t-on compter sur les républicains pour sa restauration?