Ben Bernanke a défendu jeudi à Washington son action à la tête de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed), dans une ambiance feutrée, parfois tendue, devant la Commission bancaire du Sénat chargée de valider sa reconduction pour quatre ans.

La tâche de remettre l'économie américaine sur pied est «loin d'être accomplie» et le chômage, notamment, est encore beaucoup trop élevé, a-t-il reconnu dès le début de son audition.

Cependant, a-t-il ajouté, le résultat de la crise «pourrait avoir été nettement pire sans les actions prises par le Congrès, le Trésor, la Réserve fédérale» et d'autres régulateurs.

Devançant les critiques auxquelles il pouvait s'attendre de la part de nombreux membres de la commission, M. Bernanke a assuré que son institution n'était pas une filiale de Wall Street ou du gouvernement, mais que sa structure-même lui permettait de rester informée de ce que vivent «l'ensemble des Américains».

M. Bernanke est acclamé pour avoir sauvé l'économie américaine de l'effondrement en ayant répondu très rapidement à la crise financière et en engageant la banque centrale dans une politique de soutien à l'économie sans précédent.

C'est à ce titre que le président américain Barack Obama a décidé de reconduire pour quatre ans à la tête de la Fed cet ancien professeur d'économie de l'université de Princeton qui avait pris les rênes de la banque centrale en février 2006 sous la présidence de George Bush.

Malgré son «rôle déterminant» (selon l'expression du sénateur Charles Schumer) pour l'économie américaine, M. Bernanke reste impopulaire, les Américains lui reprochant volontiers d'avoir sauvé les grandes banques tenues pour responsables de la crise plus que les emplois.

Au Capitole, nombre d'élus lui reprochent de n'avoir rien vu venir de la crise, d'avoir failli à sa mission de surveillance du système bancaire ou encore d'être asservi aux puissances de l'argent, comme en témoignerait selon les défenseurs de cette thèse l'insistance de la Fed et du Trésor à sauver à tout prix les plus grandes banques.

À l'invitation du sénateur démocrate Evan Bayh, M. Bernanke a fait amende honorable: «Nous avons été lents en matière de protection des consommateurs», «nous aurions dû exiger plus» des banques, «je n'avais pas prévu une crise de cette intensité», a-t-il déclaré.

Il a cependant mis en garde le Sénat contre la volonté de réformer trop la Fed dans un sens, qui lui ferait perdre «son indépendance et son efficacité».

Il faisait là allusion à un projet de loi déposé par Christopher Dodd, président de la Commission bancaire, qui dépouillerait la Fed de ses attributions en matière de régulation pour ne plus lui laisser pratiquement que la charge de mener la politique monétaire du pays.

M. Bernanke n'a pas répondu aux attaques de ceux qui l'accusent de collusion avec les «nantis», notamment le sénateur républicain Jim Bunning, le seul qui s'était opposé à sa nomination en 2005, ce qu'il a rappelé fièrement.

Cet ancien joueur de base-ball s'est lancé dans une longue tirade contre le directeur de la banque centrale, qualifiant M. Bernanke d'«incompétent» qui aurait un «désir secret» d'enrichir les banquiers, et promettant de faire tout son possible pour le «renvoyer à Princeton».

«Souhaitez-vous répondre?» a demandé Christopher Dodd, déclenchant les rires de l'assistance (à l'exception notable de M. Bunning), les seuls de la séance.

M. Dodd a assuré M. Bernanke de son soutien, laissant présager un vote positif du Comité à son maintien à la banque centrale, ce qui devrait favoriser ensuite l'aval du Sénat dans son ensemble.