Barack Obama s'est emporté jeudi, comme jamais depuis qu'il est président, contre les primes «honteuses» que les sociétés de Wall Street ont continué à verser à leurs employés en 2008 alors que les Américains en étaient de leur poche pour les maintenir à flot.

«Au moment où la plupart de ces institutions étaient près de s'effondrer et où elles demandent l'aide des contribuables pour les soutenir, et où les contribuables eux-mêmes sont dans une situation difficile parce que le système tout entier pourrait leur tomber sur la tête s'ils ne leur venaient pas en aide, c'est le comble de l'irresponsabilité, c'est honteux», a dit M. Obama.

«Et ce qu'il va falloir entre autres, c'est que les gens de Wall Street, qui demandent de l'aide, fassent preuve de retenue, de discipline et de davantage de sens des responsabilités», a-t-il ajouté.

Les autorités de l'État de New York ont indiqué mercredi que les établissements de Wall Street avaient versé 18,4 milliards de dollars de primes à leurs salariés l'an dernier.

C'est beaucoup moins que l'année précédente (32,9 milliards en 2007). La baisse est aussi la plus forte en pourcentage (44%) depuis 30 ans. Mais la somme reste la sixième de l'histoire en valeur absolue.

Les Américains «n'aiment pas l'idée que des gens creusent un trou plus profond alors qu'on leur demande (aux Américains) de le remplir», a dit M. Obama.

M. Obama s'indignait là du fait que le secteur financier avait bénéficié en 2008 de l'aide fédérale et en particulier d'un plan de 700 milliards de dollars lancé sous son prédécesseur George W. Bush. Il s'agissait de stabiliser et relancer le système financier pour que le crédit circule à nouveau, et que reprennent l'investissement et la consommation.

L'utilisation faite de l'argent par ses bénéficiaires a été sévèrement critiquée: en dehors des accusations selon lesquelles l'argent servirait à repeindre des bureaux par exemple, plus fondamentalement, il ne faisait rien pour le secteur immobilier, d'où est partie la crise, et pas grand-chose pour le crédit, disent les détracteurs.

Or la crise paraît s'aggraver de jour en jour. La suppression de dizaines de milliers d'emplois a été annoncée rien que cette semaine.

M. Obama a parlé de «responsabilité», l'un des mots mis en exergue de sa présidence, quand il a reçu mercredi une douzaine de patrons de grandes entreprises pour discuter avec eux des moyens de sortir du marasme, a dit son porte-parole Robert Gibbs.

M. Obama s'emploie à faire adopter un gigantesque plan de relance. Son administration et lui travaillent aussi à des mesures pour effectivement relancer le crédit, et à de nouvelles réglementations financières.

Le porte-parole de M. Obama a indiqué que, dans ce contexte, l'administration étudiait les possibilités légales pour modifier les comportements et inspirer aux Américains la «confiance» indispensable selon lui pour mener à bien la relance.

Cependant, les déclarations de M. Obama ont suscité le scepticisme de certains analystes.

«Je comprends la colère de M. Obama et probablement de la plupart des contribuables», dit Alan Johnson, de Johnson Associates. Mais les gens de Wall Street ont-ils agi de manière irresponsable, «on peut se poser la question», a-t-il dit en relevant que beaucoup de monde travaille au pourcentage, donc à la prime. «Si vous dites: je ne verse plus de prime à personne, vous verrez probablement s'effondrer plusieurs de ces sociétés, ce qui serait encore pire que d'avoir des gens en colère».