Les tarifs de l'administration Trump visant l'aluminium et l'acier canadiens n'ont pas déclenché une avalanche de demandes d'aide auprès du gouvernement québécois, ce qui n'empêche pas les entreprises de faire des pieds et des mains pour garder la tête hors de l'eau.

Depuis le mois de juin, seulement deux demandes sont en cours d'analyse chez Investissement Québec, a indiqué le ministère de l'Économie, de la Science et de l'Innovation, ajoutant qu'un prêt de 469 000 $ avait été accordé jusqu'à présent.

Québec avait annoncé en juin une enveloppe de 100 millions de dollars en prêts et garanties de prêts - par l'entremise du programme Essor - afin d'épauler les PME frappées par les droits d'importation de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium décrétés par Washington. Ottawa avait répliqué en juillet avec des mesures de rétorsion.

Interrogé à propos du faible nombre de demandes en traitement, Guillaume Bérubé, attaché de presse de la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, s'est montré prudent. Dans un message, il a indiqué qu'il était «important» pour Québec d'agir rapidement après la décision de l'administration Trump.

«Nous suivons de près l'impact des tarifs sur notre économie avec les partenaires», a écrit M. Bérubé.

Plus de 1400 entreprises oeuvrent dans le domaine de la transformation de l'aluminium dans la province. Elles génèrent une partie des 10 000 emplois directs et 20 000 autres postes indirects rattachés à l'industrie du métal gris.

En évolution

Pour le président de l'Association de l'aluminium du Canada (AAC), Jean Simard, le nombre de demandes d'aide pourrait commencer à grimper si Ottawa et Washington ne peuvent dénouer l'impasse.

«Tout le monde est en mode découverte et c'est au fur et à mesure que l'on découvre l'impact des tarifs», a-t-il expliqué au cours d'un entretien téléphonique.

Cette situation est bien différente de celle du conflit sur le bois d'oeuvre, où, pour l'instant, les tarifs américains ont directement été refilés aux consommateurs, épargnant ainsi les finances des forestières canadiennes.

Chez le transformateur Groupe Sotrem-Maltech, qui est établi à Saguenay, les mois de juin et juillet ont été difficiles. Les tarifs douaniers ont temporairement grugé les marges jusqu'à hauteur de 25%.

L'entreprise, qui compte 60% de ses clients au sud de la frontière, a néanmoins été en mesure de s'adapter grâce à des ententes avec ses fournisseurs ainsi que certains de ses acheteurs.

«Les prêts, pour nous, c'est une aide de dernier recours, a dit son président, Michel Boudreault. Il faut les rembourser et payer de l'intérêt. Mais au moins, le gouvernement a offert quelque chose. On savait qu'ils ne pouvaient pas donner une subvention.»

Les temps sont également difficiles chez le fabricant de charpentes métalliques Groupe ADF. La société de Terrebonne a enregistré une perte nette de 532 000 $ au deuxième trimestre, par rapport à un bénéfice de 1,9 million à la même période l'année précédente.

En conférence téléphonique le 13 septembre dernier, le chef de la direction de la compagnie, Jean Paschini, avait attribué cette performance aux tarifs sur l'acier et l'aluminium.

Mieux que rien

PCP Aluminium, qui se spécialise dans la deuxième transformation et qui exploite une usine à Saguenay, a toutefois dû se résigner à demander un prêt à Québec étant donné que 90% de son marché se trouve aux États-Unis.

«C'est très concurrentiel, a déploré le président-directeur général, Michel Lavoie. Est-ce qu'il y avait de la place pour ajouter un 10% sur les prix et demeurer concurrentiel? La réponse est non. Il a fallu absorber les tarifs.»

Celui-ci a reconnu que l'aide de Québec n'est «pas donnée» étant donné qu'elle s'accompagne d'intérêts, mais autrement, l'entreprise aurait eu de la difficulté à traverser la tempête actuelle.

«On prend le pari que les choses vont se placer (avec les États-Unis), a dit M. Lavoie. On espère que ça va changer, parce qu'actuellement, c'est illogique.»

Selon l'Institut de la statistique du Québec, de 2016 à 2017, les exportations québécoises d'aluminium ont bondi de 27% pour s'établir à 6,1 milliards de dollars - un sommet en près de 10 ans.