Elle fait rager les automobilistes. Elle exaspère les clients des compagnies aériennes qui se font imposer une surcharge sur le carburant. Mais l'essence à 1,50 $ fait aussi des heureux. Le gouvernement et les sociétés pétrolières au premier chef. Ils sont toutefois loin d'êtres les seuls. Tour d'horizon.

Voitures électriques

À 1,50 $ le litre, l'acheteur d'un véhicule électrique « rentre dans son argent en trois ans et quatre mois, tout compris », soutient Martin Archambault, porte-parole de l'Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ). « On remarque toujours un sursaut d'intérêt chaque fois qu'on franchit un chiffre rond comme 1,40 $ ou 1,50 $ le litre. »

Le résultat vient de la comparaison entre l'achat d'une Nissan Leaf et d'une Honda Civic, en parcourant 20 000 kilomètres par an, taxes et subvention incluses.

« Les gens regardent un peu plus les véhicules électriques. On ressent les effets de la hausse du prix de l'essence, constate Kraidi Miessan, vendeur chez Nissan Gabriel à Anjou. La Leaf détient 16 % du marché de la voiture électrique dans la province, selon l'AVEQ.

Véhicules moins énergivores

Les VUS ont beau toujours avoir la cote, les clients s'informent davantage des véhicules économiques quand les prix de l'essence s'envolent.

« Le mois passé, on a un client qui nous a laissé un pick-up doté du moteur probablement le plus économique du segment, pour repartir avec une Bolt, un véhicule 100 % électrique », dit Kevin Boies, directeur des ventes chez Boisvert Chevrolet Buick, à Blainville. Il ajoute toutefois que les VUS à quatre cylindres restent populaires.

Chez Toyota, ce sont les véhicules hybrides qui attirent les consommateurs. « Dans les six dernières semaines, on sent un engouement notamment pour la Prius Prime, une hybride branchable qui est sortie en 2017 », précise Martin Lavoie, directeur des ventes chez Park Avenue Toyota, à Brossard.

Gouvernements

Pour un litre d'essence vendu à 1,508 $, nos gouvernements récupèrent 51,8 cents par litre. C'est 3,2 cents de plus que lorsque le litre se vendait 1,26 $, une somme qui correspond au prix moyen des 52 dernières semaines. L'information a été colligée par la Régie de l'énergie.

Outre la TPS et la TVQ, des taxes ad valorem dont le produit augmente avec le coût de l'essence, Québec impose une taxe sur les carburants de 19,2 cents le litre et Ottawa a sa taxe d'accise de 10 cents par litre. Dans la région de Montréal, il y a également 3 cents qui vont au financement des transports en commun. La contribution des pétrolières au coût du marché du carbone est incorporée au prix minimal à la rampe de chargement.

Sociétés pétrolières

À titre d'exemple, le prix de l'action de Suncor, propriétaire des stations Petro-Canada, s'est apprécié de 21 % depuis 12 mois, passant de 43,08 $ à 52,09 $. Ses résultats financiers au premier trimestre, dévoilés au début de mai, ont surpassé les attentes des analystes en affichant un bénéfice plus élevé que prévu grâce à la montée du prix du brut et au raffermissement des marges de raffinage. Cette hausse de la rentabilité de la société pétrolière intégrée est survenue en dépit d'une baisse de production de près de 5 %.

Véhicules alimentés au propane

« C'est clair que les gens qui optent pour le propane vont bénéficier d'une économie incroyable sur le prix de l'essence », dit Marquis Grégoire junior, coprésident d'Alliance Auto Propane, à Sainte-Martine. Sa société a converti 500 véhicules au propane en 2017. Le coût de conversion varie entre 5000 et 6000 $. Les économies à l'usage sont de l'ordre de 50 % par rapport à l'essence.

Le client type est une PME qui dispose d'un parc de camionnettes, comme des F-150. Alliance compte 7 centres de conversion et veut en ouvrir 5 autres d'ici à 12 mois pour satisfaire à la demande grandissante. En collaboration avec 3 autres membres, il exploite un réseau de 23 stations de remplissage dans la province.

Énergir

Quand le prix de l'essence s'emballe, l'intérêt pour le gaz naturel grandit. « Pour ce qui est du gaz naturel comme carburant, on note un intérêt plus marqué de la part de la clientèle pour notre proposition », dit Maude Hébert, conseillère, affaires publiques, chez Énergir, anciennement Gaz Métro.

Le prix du gaz naturel a l'avantage d'être 40 % moins élevé et moins volatil que le prix de l'essence et du diesel. Le Québec compte près de 30 postes de ravitaillement, dont 10 à accès public.

Le gaz naturel sert aussi de substitut comme mode de chauffage et peut alimenter les chauffe-eau et cuisinières. L'entreprise gazière n'a cependant pas constaté d'engouement dans ce deuxième volet.

Tourisme local

« Les Québécois vont passer leurs vacances localement », fait valoir Normand Mousseau, directeur de l'Institut de l'énergie Trottier et professeur à l'Université de Montréal.

Selon une étude intitulée « Dévaluation du huard, baisse du prix de l'or noir et tourisme : État de la situation », publiée par Québec en mars 2015, « une hausse du prix du carburant de 1 % a pour conséquence de faire augmenter le nombre de Québécois de 0,2 % qui voyagent au Québec ».

Mais Paul Arsenault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat, n'y croit guère. « Ce n'est pas le prix de l'essence qui fait la différence dans le budget vacances, ça demeure marginal. La famille qui veut faire le tour de la Gaspésie cet été n'ira pas passer ses vacances à Rawdon à cause du prix de l'essence. »