Pour que le plan de transformation des usines de papier de Kruger se concrétise, le gouvernement du Québec a dû renoncer au remboursement d'un vieux prêt consenti à Kruger de 141,1 millions sans contrepartie, apprend-on à la lecture des décrets gouvernementaux, publiés à la fin septembre.

Cette contribution n'est nullement mentionnée dans le communiqué de presse du 8 septembre annonçant le plan de diversification de la société papetière.

Ce plan consiste à transformer les usines de papier de Wayagamack, à Trois-Rivières, et de Sherbrooke (Brompton) en usines de papiers de spécialité, par exemple pour l'emballage alimentaire. Les deux usines et une centrale de cogénération sont regroupées dans une nouvelle entité, Produits de spécialité Kruger Holding s.e.c.

Entreprise à capital fermé, Kruger est un géant industriel ayant son siège social dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal. L'entreprise compte 5000 employés au Québec et ailleurs dans le monde, et enregistre des revenus qui la placent dans le lot des entreprises d'importance de la province.

Le communiqué de presse publié par le gouvernement du Québec parle d'une injection de 100 millions de deniers publics dans le but de sauvegarder environ 575 emplois. En réalité, le gouvernement se montre plus généreux que les 100 millions annoncés. Le montant de l'aide de l'État atteint en effet 287,4 millions.

Au cabinet de la ministre de l'Économie, Dominique Anglade, on affirme que l'on n'avait guère le choix de se montrer si généreux. « Il ne faut pas se leurrer. Avec la décroissance dans le papier journal, à moyen terme, la fermeture des usines était anticipée », reconnaît sans détour Gabrielle Tellier, attachée de presse de la ministre.

« On pense qu'avec l'intervention du gouvernement et avec le choix de Kruger de diversifier ses usines, on assure la pérennité de près de 600 emplois et on va récolter des retombées fiscales de 118 millions en 10 ans. C'est le Québec qui en sort gagnant. »

Un minimum d'argent frais pour Kruger

De son côté, Kruger débourse un minimum d'argent frais, un peu comme Airbus dans l'acquisition d'une participation majoritaire dans les avions de la C Series de Bombardier.

« La contribution de Kruger comporte trois volets : on transfère des éléments d'actif dans la nouvelle entité, on réinvestira des liquidités générées par les usines dans le projet de modernisation et on cautionne des prêts bancaires pour au moins 10 millions », fait savoir Jean Majeau, porte-parole de Kruger.

Le communiqué publié par Kruger le 8 septembre annonçait un investissement de 107,5 millions en 3 ans dans ses usines de Wayagamack, Trois-Rivières, Sherbrooke (Brompton) et la centrale de cogénération Bromptonville. De cette somme, le gouvernement du Québec avance environ 100 millions, dont 44,6 millions sous forme de participation dans le capital de la nouvelle société Produits de spécialité Kruger Holding s.e.c.

Kruger investira 4 millions de ses liquidités dans l'investissement prévu à l'usine de Trois-Rivières, précise M. Majeau.

Un communiqué imprécis

À propos de la prise de participation d'Investissement Québec, au nom du gouvernement, dans la nouvelle entité Produits de spécialité Kruger, le communiqué du 8 septembre prête à confusion. Il laisse entendre que l'injection de 44,6 millions donne au gouvernement une participation de 37,5 % dans celle-ci.

Or, ce n'est pas le cas. La contribution du gouvernement dans le capital de la nouvelle société s'élève plutôt à 86,5 millions : 44,6 millions en argent frais et le reste en convertissant le solde dû de 41,9 millions d'un vieux prêt en participation dans Produits de spécialité Kruger Holding s.e.c.

Au cabinet, on reconnaît que le communiqué aurait pu être plus explicite. Mme Tellier insiste pour dire qu'il n'était dans l'intention de personne d'induire le public en erreur.



Photo Jessica Garneau, Archives La Tribune

Le 8 septembre dernier, Kruger a annoncé un investissement de 107,5 millions en 3 ans dans ses usines de Wayagamack, Trois-Rivières, Brompton et la centrale de cogénération Bromptonville (notre photo).

CONTRIBUTION FINANCIÈRE DE QUÉBEC

59,8 millions

Nouveaux prêts et garantie de prêt additionnelle

44,6 millions

Prise de participation dans la nouvelle entité

141,1 millions

Renoncement au remboursement d'un vieux prêt

41,9 millions

Conversion du solde d'un vieux prêt en une prise de participation dans une nouvelle entité

TOTAL : 287,4 millions

Source : décrets gouvernementaux

QUE FAIT KRUGER ?

Entreprise fondée en 1904

SECTEUR : forêt

FONDATEUR : Joseph Kruger

DIRIGEANT ACTUEL : Joseph Kruger II, petit-fils du fondateur

VALEUR DE LA FAMILLE KRUGER : 1,8 milliard

PRINCIPAUX ÉTABLISSEMENTS AU QUÉBEC

PAPIERS SANITAIRES : Crabtree, Lennoxville et Gatineau (2)

PAPIERS DE PUBLICATION : Trois-Rivières, Sherbrooke et Wayagamack, à Trois-Rivières

RECYCLAGE : Turcal, à Montréal

CARTONNERIES : Place Turcot, LaSalle et Trois-Rivières

VIN : Maison des Futailles, à Montréal

ÉNERGIE : parc éolien de Saint-Rémi, en Montérégie, et usine de cogénération Bromptonville