Québec lance un appel au secours à Ottawa, alors que l'industrie forestière retient son souffle à l'approche imminente de probables droits compensatoires imposés par les États-Unis aux exportations de bois québécois.

Le gouvernement Couillard reproche au gouvernement Trudeau de faire la sourde oreille dans le dossier du bois-d'oeuvre, pourtant crucial pour le Québec, et de rester insensible à ses demandes répétées, et ce, même si le temps presse.

Car Washington pourrait imposer de nouvelles taxes protectionnistes aux exportations québécoises de bois dès le 24 avril, menaçant d'autant les 60 000 emplois de cette industrie, surtout présente en régions.

Depuis des mois, sur tous les tons, le gouvernement Couillard tente d'attirer l'attention d'Ottawa sur les conséquences dramatiques de ce litige pour le Québec, apparemment en vain, selon le ministre des Forêts, Luc Blanchette.

Pourtant, «il s'agit d'un enjeu canadien, auquel il faut une solution canadienne», a-t-il rappelé jeudi, en conférence de presse, entouré d'une délégation de représentants de cette industrie et de maires de municipalités vivant de l'exploitation forestière.

Tous sont revenus à la charge pour revendiquer une fois de plus du gouvernement fédéral l'annonce dès maintenant d'un programme de prêts et de garanties de prêts, outil privilégié par Québec pour éviter des fermetures d'usines et des pertes d'emplois.

«Il est urgent, vital, crucial, primordial, que le gouvernement fédéral s'engage. Tous, nous parlons d'une seule voix et travaillons ensemble: le secteur municipal, le secteur syndical, les associations patronales», a énuméré le ministre, ajoutant que la solution au problème serait politique.

Surtout, Québec tient à obtenir du gouvernement Trudeau l'assurance que l'industrie forestière pourra compter sur son soutien financier, si les choses tournent mal avec les Américains.

Au coeur de cet éternel litige: la prétention des Américains selon laquelle l'industrie québécoise du bois-d'oeuvre serait subventionnée, donc passible de taxes compensatoires. Le gouvernement Couillard soutient au contraire que son régime forestier repose sur le libre marché.

Dans le passé, dans l'éternelle guerre judiciaire que se livrent le Canada et les États-Unis dans ce dossier, le Canada est toujours sorti gagnant.

Ce ne serait donc pas la première fois que les Américains imposent des droits compensatoires au Québec. Le ministre Blanchette a refusé d'anticiper quelle pourrait être l'ampleur de ces droits cette fois-ci.

Le porte-parole de l'opposition péquiste, le député de Bonaventure, Sylvain Roy, a dit craindre quant à lui qu'ils atteignent «20, 30, voire 40 %», autant dire une catastrophe.

Chose certaine, «s'il y a des gens qui doutent qu'il y aura des droits compensatoires, oubliez ça: il va y en avoir», a assuré le ministre Blanchette, en se basant sur les litiges passés et en se disant convaincu que plus ces droits seront élevés, «plus menaçant ce sera pour nous et plus dur sera le conflit» avec les États-Unis dans les années à venir.

C'est pourquoi «le gouvernement fédéral doit agir dès maintenant et donner aux entreprises les outils financiers nécessaires pour qu'elles puissent assumer ces taxes durant la durée du conflit», a-t-il plaidé, ne cachant pas son inquiétude, d'autant plus qu'il sait que si Ottawa se défile, Québec devra payer la note, qui risque d'être salée.

«Le gouvernement du Québec l'a dit et je le redis: jamais on ne laissera tomber cette industrie-là. Elle est trop importante pour l'ensemble des régions du Québec», a commenté M. Blanchette. Plus vulnérables, les PME du secteur, par exemple les usines de sciage, risquent d'être frappées de plein fouet par les mesures protectionnistes américaines à venir.

Le porte-parole de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) présent à la conférence de presse, Gilles Potvin, maire de Saint-Félicien, une ville du Lac-St-Jean qui dépend fortement de l'industrie forestière, a lancé un cri du coeur au premier ministre Justin Trudeau. Il a dit miser sur les «racines» québécoises du premier ministre canadien, des racines dans lesquelles ne coule pas seulement «du sirop d'érable». Ses racines, «elles sont de résineux, elles sont de conifères» aussi, a-t-il illustré.

«M. Trudeau, on va voir s'il a des racines et s'il est capable de s'identifier aux enjeux du Québec», a commenté le maire Potvin.