À un mois de la date butoir, le Canada et les États-Unis ont toujours des divergences « substantielles » et « fondamentales » à propos d'une nouvelle entente sur le bois d'oeuvre. Si bien que le gouvernement Trudeau durcit le ton et se prépare à un débat devant les tribunaux. « Nous préférons la paix, mais si nous avons à nous battre, nous nous battrons », a dit la ministre fédérale du Commerce international, Chrystia Freeland.

La ministre Freeland, qui a passé la journée d'hier à négocier à Washington, admet qu'il reste « beaucoup de différences » entre les deux pays, notamment « sur ce que devrait être l'approche fondamentale de l'entente ». Qualifiant les discussions d'hier de « très positives », la ministre Freeland souligne la « bonne foi » des deux pays dans cette négociation « très compliquée » du bois d'oeuvre.

Malgré l'opposition de l'industrie américaine, Ottawa garde espoir de pouvoir négocier un régime de libre-échange ou de quotas plus souple pour le Québec, qui a modifié son régime forestier pour le rendre plus concurrentiel. Selon l'ambassadeur du Canada à Washington, l'industrie américaine - qui doit approuver l'entente pour qu'elle soit valide aux États-Unis - ne fait pas la distinction entre l'ancien et le nouveau régime forestier du Québec, maintenant basé sur un système d'enchères. « Le système [au Québec] est différent du leur, ils ne font pas la distinction entre les enchères, ou si le [régime québécois] est moins subventionné ou non. Ils n'ont pas fait les nuances avec le système du Québec », a précisé l'ambassadeur David MacNaughton.

« [Cette question du régime québécois] n'est pas le centre de nos négociations actuellement, a expliqué la ministre Freeland. [L'été dernier], ce [n'était] pas l'aspect le plus difficile des négociations. Mais pour avoir des exemptions provinciales, nous devons avoir un accord national, et je dois dire que ce n'est absolument pas certain que nous aurons du succès [à conclure une entente]. »

La période de libre-échange suivant l'entente du bois d'oeuvre se termine le 12 octobre. Après, les États-Unis pourront imposer des tarifs au bois d'oeuvre canadien, que le Canada pourra ensuite contester devant les tribunaux commerciaux. « Même si la date limite est dans moins d'un mois, les négociations peuvent continuer même si nous n'avons pas d'entente à ce moment, dit la ministre Freeland. Le Canada a une fiche gagnante à tous les niveaux devant les tribunaux avec cet enjeu. Nous sommes confiants dans notre stratégie de litige si c'est l'approche que nous devons prendre. »

En plus des entreprises canadiennes du bois d'oeuvre, les consommateurs américains sont aussi les grands perdants, puisqu'ils sont contraints d'acheter des produits à des prix plus élevés, conclut une étude de l'Institut économique de Montréal sur les coûts économiques du protectionnisme. L'étude de l'analyste Alexandre Moreau souligne que la part de marché des importations canadiennes de bois d'oeuvre résineux frisait les 33 % à la fin des années 90, mais n'était que de 28 % en moyenne entre 2006 et 2015. Ce sont les entreprises américaines qui ont augmenté leur production pour combler la presque totalité de la baisse des importations canadiennes, voyant leur bénéfice net augmenter de 4,63 milliards de dollars canadiens pendant cette période, selon l'étude.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Chrystia Freeland, ministre fédérale du Commerce international