Même si l'Office national de l'énergie (ONÉ) recommande au gouvernement fédéral d'autoriser Kinder Morgan à tripler la capacité de son oléoduc Trans Mountain vers la côte ouest, les jeux ne sont pas faits pour autant, conviennent partisans et opposants.

L'ONÉ a conclu jeudi que le projet de 6,8 milliards de dollars, même s'il ne fait pas l'unanimité, doit être réalisé malgré tout pour le plus grand intérêt du Canada, en autant que Kinder Morgan respecte 157 conditions. C'est maintenant au gouvernement libéral de Justin Trudeau de prendre la décision finale, attendue d'ici décembre.

Des observateurs de ce dossier notent que le cabinet sera probablement intéressé par une condition inédite à l'ONÉ: l'évaluation des émissions de gaz à effet de serre en amont, lors de l'exploitation des sables bitumineux, avant même que le pétrole brut soit acheminé vers l'oléoduc. Les ministres fédéraux se baseront aussi sur le rapport, attendu en novembre, d'un comité ministériel récemment formé pour « écouter les points de vue des Autochtones et des collectivités » directement touchés par le projet.

D'un strict point de vue foncier et technique, il serait relativement facile d'autoriser l'agrandissement d'un oléoduc qui est déjà en place depuis 1953: le « dérangement » est pour ainsi dire déjà fait, résume l'analyste financier Dirk Lever, de la société de placement AltaCorp Capital, de Calgary. L'oléoduc Trans Mountain est exploité de façon sécuritaire depuis 60 ans, plaide-t-il, et les opposants n'ont pu démontrer de façon satisfaisante qu'il en serait autrement à l'avenir. La difficulté, selon M. Lever, viendra plutôt de ce que l'on appelle maintenant « l'acceptabilité sociale ».

Les environnementalistes, qui s'opposent au projet, conviennent eux aussi que la guerre n'est pas finie, même si Kinder Morgan a remporté une bataille devant l'ONÉ. Ils comptent maintenant sur Justin Trudeau et son « côté vert » pour « rejeter ce projet irresponsable d'un point de vue environnemental », résume Adam Scott, de l'organisme Oil Change International.

Alan Ross, associé au cabinet d'avocats Bordon Ladner Gervais, de Calgary, qui se spécialise dans la réglementation en matière d'énergie, croit qu'Ottawa retiendra la recommandation de l'ONÉ, mais y ajoutera des conditions supplémentaires.

Quant aux 157 conditions existantes, Trevor McLeod, de la Canada West Foundation, estime qu'elles sont raisonnables, et que Kinder Morgan devrait les accepter et aller de l'avant avec son projet. Il rappelle d'ailleurs que l'ONÉ avait imposé 209 conditions lorsqu'il a recommandé l'approbation du projet Northern Gateway en 2014, qui devait relier l'Alberta à la côte nord de la Colombie-Britannique.

Ce projet est présentement sur la glace depuis que le gouvernement fédéral a imposé un moratoire sur le trafic des pétroliers au large de la côte nord de la Colombie-Britannique. L'oléoduc Trans Mountain compte quant à lui sur des pétroliers qui mouillent devant le port de Burnaby, sur la côte sud, près de Vancouver.

Steven Paget, analyste à la société de placement FirstEnergy Capital, de Calgary, soutient qu'il faut absolument trouver des façons de « sortir » le pétrole de l'Alberta, puisque les projets d'exploitation à long terme sont en hausse en Alberta pour les prochaines années.

En avril dernier, l'ONÉ a approuvé la portion canadienne du projet d'Enbridge de remplacer - et de doubler - son vieil oléoduc « Ligne 3 » qui relie Hardisty, en Alberta, et Superior, au Wisconsin. Le cabinet fédéral doit prendre une décision dans ce dossier cet automne.