Pour assurer la rentabilité du projet d'exploitation d'apatite de Mine Arnaud à Sept-Îles, le principal actionnaire du projet, Investissement Québec, compte sur des primes de vente élevées octroyées grâce à la qualité du minerai présent dans le gisement.

Selon un rapport de faisabilité effectué en juillet dernier, il faudrait que le prix de vente du phosphate - dont l'apatite est principalement constituée - atteigne 180,50 $US la tonne, en incluant les primes, pour que l'éventuel projet minier Arnaud enregistre un taux de rendement de 5 %.

Or, selon les plus récents chiffres de la Banque mondiale cités par la coalition Québec meilleure mine, le phosphate se vend actuellement à près de 100 $ la tonne. Les primes élevées prévues par Mine Arnaud « ne tiennent pas la route », estime la coalition, quand on compare le gisement à des projets similaires.

« Les calculs du projet d'Arianne Phosphate, à Saguenay, prévoient une prime d'environ 55 % sur le prix de base. Mine Arnaud prévoit des primes beaucoup plus élevées, mais n'explique pas ses calculs, critique le porte-parole de Québec meilleure mine, Ugo Lapointe. Les Québécois, qui financent massivement le projet par Investissement Québec, ne peuvent accepter ça aveuglément. » 

Un gisement d'une qualité « exceptionnelle »

La qualité du gisement de Sept-Îles est « exceptionnelle », estime Investissement Québec. C'est pourquoi le partenaire minoritaire du projet, la société norvégienne Yara, achètera l'ensemble de l'apatite extraite et prévoit obtenir des primes élevées dans des contrats de gré à gré avec ses clients.

« En termes de qualité de roche phosphatée, le gisement de Sept-Îles est parmi les meilleurs 20 % du marché. Quand on le compare avec ce qu'il y a au Maroc ou en Inde, deux pays qui ont des gisements avec plus d'impuretés, on remarque une grande différence », explique la porte-parole d'Investissement Québec, Chantal Corbeil.

En ayant un minerai avec une teneur en phosphate de près de 40 %, la société d'État croit obtenir une prime d'environ 80 $. Une deuxième prime entrerait aussi en jeu grâce à la pureté de l'apatite présente à la mine Arnaud.

« Mais Arianne Phosphate est dans la même catégorie que Mine Arnaud et ne prévoit pas des primes aussi élevées », répond toutefois Ugo Lapointe.

« Si Investissement Québec veut continuer dans cette voie [pour justifier son investissement], il doit montrer ses chiffres et expliquer ses calculs », martèle-t-il.

« Nous ne prévoyons pas sortir les chiffres, car Yara ne veut pas qu'on les dévoile, répond toutefois Mme Corbeil. [La société norvégienne] achètera l'ensemble de la production et la vendra à des producteurs dans le monde entier. Il est donc difficile de se comparer avec [Arianne Phosphate], qui vendra à plusieurs acheteurs et qui n'a pas accès à tous les clients de Yara », explique-t-elle.

Un marché instable

La coalition Québec meilleure mine ne croit pas aux primes prévues par Investissement Québec et doute que le projet soit rentable. Elle estime que le gouvernement devrait se retirer afin de ne pas s'engager dans un bourbier financier.

« Les prévisions de la Banque mondiale de la fin du mois de janvier indiquent que le prix du phosphate allait stagner ou baisser à moyen et long terme. L'avenir de cette industrie n'est pas rose », estime M. Lapointe.

Investissement Québec n'entend toutefois pas freiner son projet pour l'instant. Environ 300 emplois permanents doivent être créés par Mine Arnaud, et plus de 1000 emplois sont prévus pendant la phase de construction. L'investissement requis pour ce projet est de 750 millions, dont Québec assumera 465 millions.

Un rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui doit être rendu public au cours des prochains jours, est attendu de pied ferme par ceux qui sont opposés au projet.