Vu de Montréal, le projet d'Enbridge est moins contesté, surtout parce qu'il assure le maintien d'emplois précieux dans la pétrochimie. Mais il n'est pas moins risqué, estiment des citoyens qui vivent à proximité.

À mesure que l'oléoduc se rapproche de Montréal, le projet d'Enbridge d'en renverser le flux pour acheminer du pétrole de l'Ouest au Québec gagne des appuis. C'est facile de comprendre pourquoi: des milliers d'emplois dépendent de Suncor, la seule raffinerie encore en activité dans la métropole.

Le tuyau qui sort de terre à Montréal-Est est actuellement le début du pipeline d'Endbrige qui transporte du brut importé à Montréal et à Sarnia. Si le projet d'en inverser le flux se réalise, il deviendra la fin de ce pipeline connu sous le nom de Ligne 9, où aboutira le pétrole de l'Ouest.

« Le renversement est un projet qui assure un flux d'approvisionnement à nos usines », explique Dimitri Tsingakis, directeur général de l'Association industrielle de l'Est de Montréal.

Dans l'écosystème pétrochimique, les usines dépendent les unes des autres, précise-t-il. L'accès à du pétrole au meilleur prix possible est donc le nerf de la guerre de ce qu'on appelle la chaîne du polyester, qui part de Suncor pour relier Chimie ParaChem, Cepsa, Selenis et plusieurs autres entreprises plus petites qui en dépendent.

Deux mille emplois y sont liés directement, et un total de 7000 en dépendent, précise Isabelle Foisy, directrice générale de la chambre de commerce de l'Est de Montréal.

Sans surprise, tout ce qui représente le monde des affaires s'est rangé du côté d'Enbridge, une coalition qui regroupe également les syndiqués de la raffinerie de Suncor et des élus.

Le maire de Montréal-Est, Robert Coutu, en fait partie. « Ici, on est habitués aux pipelines, dit-il. C'est le mode de transport le plus sécuritaire, et rien de grave ne s'est jamais produit. »

Selon un sondage commandé par la Fédération des chambres de commerce du Québec, le projet d'Enbridge a l'appui de 60% des Québécois. Cet appui varie parmi les communautés situées à proximité du pipeline. Il est de 41% à Sainte-Justine-de-Newton et grimpe à 72% à Terrebonne.

En ville, les citoyens ont pourtant autant de raisons de s'inquiéter qu'à la campagne, estime Luc Falardeau, résidant de Laval où passe l'oléoduc d'Enbridge. « Dans les quartiers Saint-François, à Laval, et Rivière-des-Prairies, à Montréal, ils sont des milliers qui ont le pipeline dans leur cour arrière », précise-t-il.

La conduite passe entre les rues Lambert et Monty, à Laval, et entre la 57e et la 58e Avenue, du côté de Montréal. « Il y a beaucoup de gens qui ignorent qu'ils vivent à côté d'un tuyau vieux de 40 ans. Ils pensent que c'est un pipeline abandonné ou une emprise d'Hydro-Québec. »

Luc Falardeau est membre de la Coalition Vigilance Oléoduc, qui représente des citoyens de la frontière de l'Ontario, où la Ligne 9 entre en territoire québécois, jusqu'à Montréal-Est, où elle aboutit.

Selon lui, un vieux pipeline comme celui d'Enbridge est aussi risqué que le train pour transporter du pétrole. « Les deux sont aussi dangereux », soutient-il.

« Peut-être qu'un pipeline neuf, avec les normes de sécurité d'aujourd'hui, aurait un avantage sur le train », ajoute-t-il.

Luc Falardeau croit que les citoyens des villes sont aussi inquiets que ceux des zones rurales au sujet du projet d'Enbridge. "À la campagne, c'est la question de l'eau qui est prioritaire alors qu'en ville, c'est plus une question de sécurité publique et de valeur des maisons. »

Quant à la question des emplois, elle ne devrait pas prendre plus d'importance que la sécurité publique, estime Luc Falardeau. « C'est une forme de chantage que je n'accepte pas. »