Les États-Unis deviendront le 1er producteur de pétrole de la planète vers 2020, et un exportateur net de brut autour de 2030, un bouleversement du paysage énergétique provoqué par l'essor des hydrocarbures non conventionnels, prédit lundi l'Agence internationale de l'énergie.

«Les développements dans l'énergie aux États-Unis sont profonds et leurs effets vont se faire ressentir bien au-delà de l'Amérique du Nord et du secteur», a pronostiqué l'AIE, qui regroupe les grands pays consommateurs d'énergie (Europe, États-Unis, Japon), dans la dernière édition du World Energy Outlook, sa grande étude prospective annuelle.

En effet, «vers 2020, les États-Unis deviendront le premier producteur mondial de pétrole (et dépasseront l'Arabie saoudite au moins jusqu'au milieu de la décennie 2020)», prédit-elle.

Cette révolution programmée dans la planète pétrole ramènerait aux débuts de l'industrie pétrolière. De la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle, le pays avait été le principal producteur d'or noir au monde, ce qui avait nourri son développement industriel, économique et stratégique. Les États-Unis sont devenus dans le même temps la première puissance mondiale.

L'AIE appuie sa prédiction sur l'essor de la production des hydrocarbures non conventionnels, autrement dit le gaz et le pétrole de schiste, ainsi que les réservoirs imperméables de pétrole léger (ou «tight oil»), qui furent longtemps considérés trop coûteux et trop difficiles à extraire.

«Le rebond récent de la production américaine de pétrole et de gaz, menée par des essors technologiques qui permettent d'extraire» ces ressources non conventionnelles, comme la fracturation hydraulique, interdite en France à cause des risques qu'elle fait peser sur l'environnement, «transforme à un rythme soutenu le rôle de l'Amérique du Nord» sur l'échiquier énergétique mondial, explique l'agence.

Les chiffres semblent conforter la prédiction de l'AIE, bien que le débat fasse toujours rage entre les experts sur l'arrivée prochaine du «pic pétrolier», c'est-à-dire le moment inéluctable où la production mondiale d'or noir amorcera son inexorable déclin.

Depuis le début de l'année, les États-Unis ont extrait environ 6,2 millions de barils de brut par jour, contre 5 millions en 2008, soit un bond de 24%, selon les statistiques du département américain à l'Énergie.

L'AIE anticipe que ce bond de la production américaine, couplé à des mesures visant à réduire la consommation des véhicules, «fera chuter progressivement les importations pétrolières du pays, jusqu'à ce que l'Amérique du Nord devienne un exportateur net de brut, aux alentours de 2030».

Résultat, le Graal de «l'indépendance énergétique», un objectif longtemps considéré comme inatteignable, serait désormais bel et bien en vue pour les États-Unis, avance même l'AIE.

Le pays, qui importe actuellement environ 20% de ses besoins en énergie, «deviendra pratiquement autosuffisant en termes nets, un renversement spectaculaire de la tendance qui prévaut pour la plupart des pays importateurs», prédit-elle.

Cette question s'était d'ailleurs invitée dans la campagne présidentielle. Le républicain Mitt Romney, qui a échoué la semaine dernière à détrôner le démocrate Barack Obama, avait promis l'indépendance énergétique pour 2020, en misant sur les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), tandis que son concurrent victorieux préférait mettre l'accent sur les énergies renouvelables (solaire, éolien) et les économies d'énergie.

Un tel renversement aurait d'immenses conséquences. Il redessinerait la carte du commerce pétrolier mondial, recentrée sur l'Asie, et avec elle, une grande partie des équilibres et déséquilibres stratégiques actuels.