Un acteur d'envergure de l'industrie controversée du gaz de schiste au Québec jette l'éponge. Talisman Energy (T.TLM) a décidé de radier l'ensemble de ses investissements réalisés dans le secteur, soit une somme avant impôt de 109 millions de dollars.

«Durant le trimestre se terminant le 30 septembre 2012, la société a pris la décision de ne plus investir dans un avenir prévisible dans ses activités d'exploration et d'évaluation au Québec, où un moratoire sur la mise en valeur par fracturation hydraulique de gisements de gaz de schiste a été réaffirmé. En conséquence, la société radie de ses actifs la somme de 109 millions avant impôt ou 82 millions après impôt», lit-on dans les états financiers de la société, publiés aujourd'hui.

En entretien téléphonique, le porte-parole de Talisman au Québec, Stéphane Perreault, a refusé d'établir un lien entre cette décision et l'élection le 4 septembre du gouvernement du Parti québécois. «Ce n'est pas du tout lié. C'est une décision d'affaires», assure-t-il.

La ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a déclaré le 20 septembre ne pas voir comment l'exploitation du gaz de schiste pouvait se faire de façon sécuritaire sur le plan environnemental. Contredite par la première ministre, Pauline Marois, Mme Ouellet s'est ravisée par la suite. Officiellement, le gouvernement provincial dit attendre les résultats de l'évaluation environnementale stratégique (EES) actuellement en cours pour décider de la suite des choses. Le rapport final, qui fera au préalable l'objet d'une consultation publique, doit être remis au plus tard le 29 novembre 2013.

Talisman a déjà tiré ses propres conclusions. «On ne voit pas pour l'instant à quel moment on pourrait entrevoir la commercialisation potentielle du gaz de schiste au Québec», indique M. Perreault.

La société gazière détient des permis d'exploration sur la rive-sud du Saint-Laurent, principalement dans la région de Lotbinière. Deux puits d'exploration étaient terminés à Leclerville et Saint-Édouard et deux autres puits sont toujours à compléter à Gentilly et Fortierville.

Selon le site web de la société, Talisman possède 310 000 acres de terrains dans le centre du Québec. Elle possède des droits visant l'acquisition de 460 000 acres nets additionnels. Talisman a aussi un bureau à Québec où travaillent deux employés. Il demeure ouvert pour l'instant, a confirmé M. Perreault.

On ne connaît pas l'impact du retrait de Talisman sur le groupe de pression Association pétrolière et gazière du Québec, dont Talisman est l'un des contributeurs financiers.

Au sein de l'entreprise Junex, acteur local de l'industrie du gaz de schiste, on dédramatisait hier l'impact de la décision de Talisman. «À court terme, il n'y a pas d'impact. Il y a déjà un moratoire au Québec. On ne peut pas en ajouter un autre par-dessus», dit Dave Pépin, chef des finances de la société d'exploration gazière et pétrolière.

«Une radiation comptable, poursuit-il, c'est un signal qu'on a perdu espoir à court terme de récupérer l'investissement qui a été fait. Ça ne veut pas dire qu'on abandonne le projet. Si Talisman abandonnait ses permis, le signal (négatif) serait plus fort», précise M. Pépin. Junex, contrairement à Talisman, n'a pas radié l'ensemble de ces investissements dans le gaz de schiste.

Résultats

Talisman Energy a annoncé hier une perte de 731 millions de dollars au troisième trimestre.

L'entreprise de Calgary s'est dite déterminée à renouer avec la rentabilité après cette perte, qui a été plus importante que ce qui était attendu par de nombreux analystes.

La performance de Talisman au troisième trimestre correspond à une perte de 71 cents par action. L'an dernier, la société avait engrangé un bénéfice de 521 millions, ou 51 cents par action.