Le ministre de l'Environnement, Daniel Breton, a confirmé jeudi qu'il demandera au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) d'étudier l'ensemble de la filière de l'uranium. La société Ressources Strateco (T.RSC) devra attendre avant de démarrer la phase d'exploration souterraine de son projet Matoush, a précisé le ministre.

Strateco a obtenu l'autorisation de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) pour creuser une rampe d'exploration souterraine et poursuivre ce projet uranifère le plus avancé au Québec, situé dans les monts Otish, au nord de Chibougamau et Mistissini. Strateco, qui a déjà l'appui du gouvernement fédéral, doit toutefois obtenir l'aval du ministère de l'Environnement du Québec pour aller de l'avant.

«Nous ce qu'on a dit, c'est qu'avant de se lancer dans l'exploration d'uranium, il va falloir que ça passe par un processus d'évaluation environnementale, a dit M. Breton en se rendant au conseil des ministres. Ce n'est pas parce que la CCSN a donné son accord, puisqu'elle donne toujours son accord à tous les projets liés au nucléaire et à l'uranium, que nous autres on va dire oui.»

Les Cris s'opposent farouchement au projet Matoush, qui se développe sur leurs terres traditionnelles, et demandent un «moratoire permanent» sur l'exploration et l'exploitation d'uranium.

Il n'est pas encore clair si la décision du ministre Daniel Breton équivaudra à un moratoire temporaire sur toute exploration d'uranium sur l'ensemble du territoire québécois.

«Québec doit respecter les droits de l'entreprise», selon Strateco

Le président et chef de la direction de Strateco, Guy Hébert, n'était pas au courant des intentions du ministre Breton quand La Presse Affaires l'a contacté jeudi après-midi.

Selon lui, les études environnementales ont toutes été faites sur le projet Matoush, et elles ont montré qu'il n'y avait aucun impact environnemental pour le projet d'exploration avancée. «Le BAPE ne peut pas demander plus d'études, dit M. Hébert. Les experts du ministère de l'Environnement sont déjà passés là-dessus.»

«On va où après ? demande M. Hébert. On va consulter le public sur le Plateau-Mont-Royal, à Sept-Îles, ou dans les endroits où il n'y a pas d'uranium ? À un moment donné, il faut que les sociétés puissent avancer.»

Strateco a demandé à rencontrer le ministre Breton, indique M. Hébert. «On veut qu'il soit bien au fait de toutes les études et recommandations.» Le PDG de Strateco affirme que le comité provincial d'examen (COMEX) qui a étudié le projet recommande unanimement au gouvernement de l'approuver. Le rapport, complété en août 2011, n'a jamais été rendu public, mais M. Hébert affirme l'avoir consulté de manière non officielle.

«Québec n'a aucune raison de dire non», soutient Guy Hébert. Tout en reconnaissant l'opposition des autorités cries, il souligne que sa société a l'appui de plusieurs autochtones, notamment les maîtres de trappe dont les territoires sont concernés par le projet minier. Il rappelle aussi que les Jamésiens sont derrière le projet.

«Québec doit respecter les droits de l'entreprise, ajoute-t-il. On a démontré qu'il n'y avait pas d'impact. Si on commence à ne pas respecter les droits de l'entreprise, ce n'est pas juste un mauvais signe, c'est vraiment l'anarchie qui s'installe.»

Opposition à l'uranium

La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine a salué la décision du ministre Daniel Breton. «Nous sommes confiants qu'un BAPE avec un mandat large, des commissaires rigoureux et des mesures pour faciliter la participation des citoyens et des nations autochtones mèneront au rejet de la filière des mines d'uranium au Québec, premier maillon de la chaîne du nucléaire », a déclaré le porte-parole de la coalition, Ugo Lapointe.

Après la décision de la CCSN, hier soir, la Nation crie de Mistissini en avait appelé au gouvernement du Québec. «La Nation Crie de Mistissini s'attend à ce que le gouvernement du Québec sera en accord avec le fait que le développement de l'uranium dans la province serait une menace majeure à l'environnement, aux rivières et aux bassins versants, tout comme à la santé publique.»

Ce matin, Amir Khadir, coporte-parole de Québec solidaire, avait demandé au ministre Breton de «se ranger résolument du côté de la population en bloquant le projet Matoush». M. Khadir rappelle que Pauline Marois, en visite à Paris hier, avait réaffirmé sa volonté de développer le Nord en respect des peuples autochtones.

L'Initiative boréale canadienne avait également envoyé un message aux députés et ministres ce matin pour demander le rejet du projet Matoush, insistant notamment sur la nouvelle entente de gouvernance conclue entre Québec et les Cris. «Vous comprenez que d'aller de l'avant avec le projet Matoush, sans considération de la volonté des Cris, ne serait pas souhaitable dans ce contexte et pourrait avoir des conséquences sur la mise en oeuvre [de l'entente].»

Le titre de Strateco bondit

Le titre de Ressources Strateco bondit de plus de 30 % aujourd'hui à la Bourse de Toronto, au lendemain de la décision de la CCSN. Le titre, qui avait perdu les deux tiers de sa valeur depuis février, est passé de 22 cents à l'ouverture jusqu'à 29 cents en fin de journée, après avoir touché les 33 cents en cours de séance. Plus de 1,3 million d'actions ont déjà changé de main, par rapport à un volume quotidien moyen de 180 000 actions.

- Avec La Presse canadienne