La centrale nucléaire Gentilly-2 ne disparaîtra probablement jamais du paysage québécois, parce que démanteler ces installations est beaucoup trop coûteux.

Hydro-Québec se contentera de fermer le réacteur et d'assurer la sécurité du site, prévoit Marcel Lacroix, ingénieur nucléaire et professeur à la faculté de génie de l'Université de Sherbrooke.

«On ne sera certainement pas pressé de démanteler. On va laisser traîner les choses», a-t-il expliqué hier au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à la centrale voisine Gentilly-1, fermée depuis les années 70 et qui n'a jamais été démantelée en raison des coûts élevés des travaux. Quarante ans plus tard, sa carcasse intacte se dresse toujours à côté de Gentilly-2.

C'est d'ailleurs une pratique courante dans le monde. Plusieurs centrales ont cessé leurs activités depuis 40 ans, mais peu d'entre elles ont été complètement démantelées.

Le démantèlement consiste à retirer le combustible du réacteur et en disposer de façon sécuritaire. Il faut ensuite laisser le réacteur refroidir et évacuer tous les déchets radioactifs, ce qui peut prendre de 5 à 30 ans, selon le type de radioactivité. Plus l'opération est réalisée rapidement, plus elle est coûteuse. C'est la raison pour laquelle beaucoup de centrales nucléaires abandonnées ne sont jamais complètement démantelées.

Aucun des 39 réacteurs Candu en exploitation dans le monde n'a encore été démantelé.

Quant à profiter de la fermeture de Gentilly-2 pour créer au Québec une industrie du démantèlement nucléaire, comme la possibilité a été soulevée, ça apparaît hautement improbable selon le professeur de l'Université de Sherbrooke. Les Québécois entreraient un peu tard dans la partie, selon lui. «C'est un marché de spécialistes qui existe depuis 50 ans», dit-il.

Son collègue de l'Université Laval, Michel Duguay, qui milite dans le regroupement Sortons le Québec du nucléaire, convient qu'il serait moins coûteux de se contenter de fermer Gentilly-2 sans procéder à son démantèlement.

«Il y a une volonté de la part du gouvernement de faire quelque chose pour la région, alors ça se peut qu'on procède au démantèlement de la centrale pour maintenir des emplois dans la région.» Il estime la facture du démantèlement à 1 milliard de dollars. Sur une période de 10 ans, c'est une dépense de 100 millions par année, un coût raisonnable qui permettrait de maintenir quelque 200 des 800 emplois actuels, selon lui.

Une facture salée

Peu importe l'option qui sera retenue, la facture de la fermeture de Gentilly-2 sera salée pour Hydro-Québec.

Son président, Thierry Vandal, a indiqué plus tôt cette année que près d'un milliard de dollars ont déjà été investis dans la réfection de la centrale depuis l'annonce de la décision de la conserver en 2008. Il s'agit notamment d'études d'avant-projet, de travaux d'ingénierie et d'achat de matériel, dont le coût devait être amorti sur la durée de vie de la centrale. Cet investissement devra plutôt être transformé en dépense et déduit des profits de la société d'État au moment de la fermeture de la centrale.

Hydro a déjà estimé à 1,2 milliard le coût du démantèlement de la centrale. Le gouvernement du Québec a déjà dû s'engager devant la Commission canadienne de sûreté nucléaire à financer une partie du coût, soit 685 millions. Hydro, pour sa part, a mis 200 millions de côté dans cette éventualité. Il resterait donc 500 millions à trouver, probablement encore dans les coffres d'Hydro.

«Ça se peut que ça touche le bilan d'Hydro-Québec très lourdement», estime Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste des questions énergétiques.

Il s'attend aussi à ce que la centrale ferme et que son démantèlement soit repoussé dans le temps, pour réduire le choc sur le bilan financier d'Hydro-Québec et sur celui du gouvernement, qui en dépend étroitement.

En plus des coûts liés à la fermeture de la centrale, à la sécurité du site et à l'éventuel démantèlement, Hydro s'est engagée à payer sa part des coûts à long terme pour la gestion des déchets nucléaires. Ces coûts sont estimés à 624 millions dans le plus récent rapport annuel de la société d'État.

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GENTILLY-2 EN CHIFFRES

Achevée en 1983

Puissance : 600 mégawatts

800 employés

Coût de construction : 1,3 milliard

Coût prévu de rénovation : 2,3 milliards

Coût prévisible de fermeture : 2 milliards

Sources: Hydro-Québec, archives de La Presse