Le congédiement du président de Barrick Gold (T.ABX) n'aura pas produit l'effet escompté, à très court terme du moins. L'action du géant aurifère s'est repliée tout au long de la séance, hier, après un départ canon sur le coup de la nouvelle. Le titre clôture à 41,53$, un recul de près de 2,2% par rapport à la veille, dans un marché pourtant haussier. Il a touché un sommet de 44,75$ en séance.

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Aaron Regent est démis de la présidence de Barrick, poste qu'il occupait depuis janvier 2009. Il est remplacé par Jamie Sokalsky, directeur financier de l'entreprise torontoise depuis 1999. Par la même occasion, John Thornton, un ancien président de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, accède à la coprésidence du conseil d'administration. «Nous sommes déçus de notre performance boursière», a simplement expliqué Peter Munk, 84 ans, fondateur et président du conseil de l'entreprise. Le titre, jadis parmi les plus performants de la Bourse de Toronto, accuse un bas de 35,11$ et un sommet de 55,36$ pour les 52 dernières semaines.

Barrick revient ainsi à sa tradition de recruter à l'interne. M. Regent était l'exception à la règle. Il venait du conglomérat Brookfield Asset Management, où il était associé directeur et co-chef de la direction des activités liées aux infrastructures mondiales. Il succédait à Greg Wilkins, emporté par un cancer.

Peter Munk avait salué les mérites de son nouveau chef de la direction à plus d'une assemblée générale, insistant sur «son imagination, ses idées entrepreneuriales et son approche visionnaire». Il s'est montré plus sévère à son égard à la dernière assemblée, il y a un mois, au moment où il reconnaissait déjà le décalage du cours de l'action par rapport à la performance de l'entreprise. «Plusieurs raisons expliquent cela, mais ne pas en tenir compte ou ne pas en parler serait la pire erreur que puisse faire le conseil et la direction pour le bien-être de cette entreprise», avait-il prévenu.

C'est sous le règne de M. Regent que Barrick a acheté Equinox Minerals, un producteur de cuivre en Zambie et en Arabie saoudite, pour 7,3 milliards US. Barrick doublait ainsi ses revenus provenant du cuivre, à un moment où l'on ne jurait que par l'or. Les actions de Barrick ont perdu presque 10% de leur valeur dans la semaine suivant la transaction.

L'analyste Anita Somi, du Crédit Suisse, croit que le changement de garde annonce un «nouveau Barrick». «Nous pensons que cette démarche permettra de répondre à bon nombre des préoccupations du marché. Nous prévoyons que le nouveau chef va recentrer l'entreprise sur l'or et le rendement du capital des actionnaires.»

Barrick n'est pas le seul producteur minier heurté par les marchés: la capitalisation boursière des 40 sociétés minières les plus importantes du monde a reculé de 25% en 2011, rapporte PwC. En réalité, six d'entre elles seulement ont vu leur capitalisation boursière augmenter l'an dernier, selon l'étude intitulée Mine 2012: The growing disconnect. Et cela, au moment où le secteur minier mondial affiche des profits records de 133 milliards US.

Le piètre rendement des minières est imputé au climat général d'incertitude économique attribuable, entre autres, à la crise de la dette souveraine en Europe et au ralentissement attendu de l'économie chinoise. «Les investisseurs n'adhèrent tout simplement pas à la théorie de croissance du secteur, déclare Nochane Rousseau, chef de l'industrie minière pour la région du Québec de PwC. Entre les deux, le fossé se creuse.»

Barrick est le plus important producteur d'or de la planète, avec des mines au Canada, au Pérou et en Australie. Il a engrangé un bénéfice de 1,03 milliard US et augmenté son dividende de 33% au cours du premier trimestre, ce qui aurait dû plaire aux actionnaires.