C'est une région née des mines. Une région qui a toujours l'âme minière, mais qui ne compte plus aucune exploitation sur son territoire. Le prolongement de la route vers les monts Otish, un des premiers projets du Plan Nord, représente toute une occasion pour la région de Chibougamau, Chapais et Mistissini, qui souhaite devenir le pivot du développement nordique.

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> Premier volet d'une série sur la nouvelle route 167 et le développement minier.

Chapais n'est plus ce qu'il a déjà été. Il n'y a plus que 1700 habitants dans la ville qui en a déjà compté plus de 5000. La mine Opémiska, qui a déjà exploité quatre puits pour extraire le cuivre des environs de Chapais, a fermé en 1991, vendant à la ville toutes ses infrastructures désuètes. Les maisons ne valaient presque plus rien.

Toutes les autres mines de la région de Chapais et Chibougamau ont cessé leurs activités depuis, la dernière étant la mine Troilus, à 150 kilomètres au nord. Dans les années 90 et 2000, le camp minier a un peu été laissé à l'abandon par des sociétés en difficulté financière. La région n'a plus de minière que l'âme, et des travailleurs qualifiés qui ont résisté à la tentation de migrer vers l'Abitibi.

Mais le camp minier n'est pas mort à jamais. La société Black Rock Metals veut développer une mine de fer, titane et vanadium au sud de Chibougamau. Ressources Cogitore fait des travaux sur le projet de cuivre de Scott Lake.

Les avions nolisés transitent nombreux par l'aéroport de Chibougamau. Ils prennent la direction du projet Eleonore, à la Baie-James (Goldcorp), ou des monts Otish, où plusieurs sociétés minières font de l'exploration.

Surtout, le prolongement de la route 167 vers le nord et ces mêmes monts Otish (voir carte et encadré), confirmé à l'été dans le cadre du Plan Nord, ouvre tout un nouveau territoire à l'exploration et l'exploitation minière.

Plusieurs projets miniers, dont deux avancés, pourraient tirer profit de ce nouveau tronçon de 243 km. La route diminuera aussi les coûts d'exploration dans la région, remarque Pierre Folco, directeur du portefeuille minier à la Société de développement de la Baie-James. «Aussitôt qu'il y a un axe routier, l'exploration explose et ça mène à des mines.»

Pour l'instant, l'économie de la région s'appuie surtout sur le secteur forestier et ses fleurons que sont Chantiers Chibougamau et Barrette-Chapais. Le retour des mines n'en est pas moins attendu, question de diversifier l'économie.

«Les planètes s'alignent pour nous, note la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr. Mais le développement, ça ne viendra pas tout seul. Il faut voir comment on peut être une ville attrayante.»

Attirer les mineurs

Un peu comme Fermont, qui doit faire face à des défis semblables avec le boom de l'industrie du fer, Chibougamau et Chapais insistent sur l'importance de favoriser l'établissement des travailleurs miniers chez eux. Dans une industrie minière aux prises avec une pénurie de main-d'oeuvre, la tendance est aux travailleurs volants (fly-in fly-out) qui naviguent entre la mine et leur résidence, peu importe la région.

«Il faut que le développement passe par les communautés, par l'établissement de travailleurs et de familles ici, dit Manon Cyr. Être près de son lieu de travail, être à une heure de vol au lieu de trois ou quatre heures, ça fait une différence.»

Pour le maire de Chapais Steve Gamache, lui-même fils de mineur, il est aussi sensé pour les sociétés minières d'engager des travailleurs locaux. Ils sont fidèles à la région, donc plus loyaux envers leur employeur, estime le maire de Chapais.

«On veut signer avec les minières des ententes de volonté de collaborer, poursuit Manon Cyr. Il est question de politique d'achat de biens et de services locaux. Et si une compagnie ne favorise pas l'établissement des travailleurs ici, on va se questionner.»

En contrepartie, les villes sont prêtes à voir ce qui peut être fait pour aider les entreprises sur le plan de la formation.

Mais avec tous les projets miniers, auxquels s'ajoute la construction de la mine Eleonore, qui emploie bon nombre de travailleurs de Chibougamau-Chapais, la région ne peut penser fournir seule toute la main-d'oeuvre nécessaire. Il est question d'un besoin de 5000 travailleurs miniers pour les cinq prochaines années dans le Nord-du-Québec, et de 10 000 travailleurs pour les 10 prochaines années.

«Il faudra se tourner vers l'immigration, recruter les gens à l'international et les former ici, estime Steve Gamache. Il faut une stratégie à ce chapitre.»

Retombées et défis

Déjà, Chibougamau et Chapais commencent à sentir l'effervescence dans les monts Otish.

Beaucoup d'entreprises de services s'étaient orientées vers la forêt, mais s'ouvrent désormais au secteur minier. C'est le cas des Entreprises Alain Maltais, qui se spécialisent dans la réalisation de chemins forestiers. La société de 55 employés, établie à Chibougamau, est prête à bâtir des chemins et préparer les terrains d'exploration pour les minières.

On a aussi fait appel à eux dans les premiers travaux du prolongement de la route 167. «On a fait du débroussaillage pour les sondages de gravier pour la nouvelle route, dit la directrice générale, Julie Laberge. Le Plan Nord, on y croit et on veut en faire partie. Qui de mieux placé pour développer le territoire que nous, qui le connaissons?»

L'aéroport de Chapais-Chibougamau atteint ses limites. Goldcorp investit pour l'agrandissement du stationnement de l'aéroport. Les municipalités environnantes veulent aussi ajouter des entrepôts et des hangars.

Il faudra aussi voir comment améliorer la desserte aérienne régulière de la région. Actuellement, il est impossible de faire un aller-retour Montréal-Chibougamau dans la même journée, même si le vol prend moins de 90 minutes.

Il y a beaucoup de travail à faire pour assurer la relance de l'industrie minière, mais aussi pour que la région déjà échaudée ne se retrouve pas dépourvue quand le cycle minier atteindra son creux.

«On demande un fonds de diversification économique pour faire face à l'éventuelle fermeture des mines, dit Steve Gamache. Nous en discutons avec les minières.»

La dernière chance?

Avec le Plan Nord, les dirigeants de Chibougamau et Chapais sont optimistes. Ils ont obtenu le prolongement de la route 167, que la région demandait depuis plusieurs années. Selon Steve Gamache, il y a peu de doute que la route atteindra éventuellement la Trans-Taïga, le long de la Grande Rivière. «Et je vais voir la route monter jusqu'à Kuujjuaq de mon vivant», ajoute-t-il.

Au-delà de la route et des mines, c'est tout un éventail de projets qui pourraient voir le jour avec le Plan Nord. Chapais a déjà mis de l'avant un réseau de serres communautaires dans les localités nordiques. Il faudra maintenant que le grand plan du gouvernement Charest se transforme en retombées concrètes.

La table est mise, croit M. Gamache. Sauf qu'il ne faut pas manquer le train. «Le PQ avait proposé une politique de développement du Nord-du-Québec qui n'a pas survécu à l'arrivée du gouvernement libéral. Cette fois, avec le Plan Nord, il ne faut pas rater notre coup, parce que plus personne n'y croira après.»