Traditionnelle valeur refuge, l'or ne profite pourtant pas de la débâcle actuelle des Bourses : handicapé par l'envolée du dollar, qui en fait un investissement moins attractif, le cours du métal jaune a abandonné près de 20% de sa valeur depuis début septembre.

> Blogue de la Bourse: D'autres réactions sur l'or

Des marchés boursiers en déroute, une pluie d'indicateurs macroéconomiques décevants ou encore l'aggravation de la crise des dettes européennes: ce cocktail de facteurs négatifs semble a priori très favorable à l'or.

Pourtant, le métal précieux a dégringolé violemment ces deux dernières semaines, descendant lundi jusqu'à 1532,72 $ l'once, son niveau le plus faible depuis début juillet - et très loin de son pic historique à 1921 $ enregistré le 6 septembre.

«L'or peut être vu en partie comme une police d'assurance contre les jours difficiles. Eh bien, ces jours mauvais sont arrivés, et des investisseurs ont recours à leur assurance: c'est-à-dire qu'ils vendent une partie de leur or pour obtenir des liquidités et compenser leurs pertes sur les autres marchés», a expliqué à l'AFP Stephen Briggs, analyste chez BNP Paribas.

Alors que les investisseurs fuient massivement les actifs jugés à risque (euro, Bourses, matières premières), le dollar, considéré comme une devise refuge, s'envole: il est monté ce lundi à son plus haut niveau depuis huit mois face à l'euro.

Un mouvement qui a contribué à accélérer la disgrâce de l'or, selon Ross Norman, directeur du courtier spécialisé Sharps Pixley.

Les achats de métaux précieux étant libellés dans la monnaie américaine, le raffermissement du billet vert les rend donc moins attractifs pour les investisseurs détenant d'autres devises - à un moment où les prix historiquement élevés de l'or faisaient craindre une correction.

«En somme, face à l'appréciation du dollar, l'or est devenu un problème pour ses détenteurs en quête d'une réserve de valeur stable - même si ce ne doit être que temporaire», a commenté M. Norman.

Mais le repli de l'or s'explique aussi par «l'émoussement de facteurs fondamentaux qui avaient jusque-là soutenu sa forte progression», a estimé de son côté Julian Jessop, chef économiste chez Capital Economics.

«Ainsi, la demande d'or comme rempart contre l'inflation a beaucoup moins de sens à un moment où l'économie mondiale ralentit et où les prix des matières premières plongent. De même, le vif regain de confiance envers le dollar rend moins nécessaire le recours à l'or», a ajouté M. Jessop.

Face aux incertitudes économiques, le dollar (devise la plus échangée) et le marché obligataire américain (le plus important du monde) sont plébiscités pour leur liquidité: en raison du vaste volume d'échanges dont ils font l'objet, ce sont des actifs faciles à échanger - alors que le marché de l'or apparaît comme beaucoup plus réduit en comparaison.

Enfin, le CME, opérateur boursier du marché new-yorkais des métaux précieux, a annoncé vendredi, pour la troisième fois depuis août, un nouveau relèvement (de 21%) de ses «appels de marge», c'est-à-dire les montants que les investisseurs doivent déposer en garantie pour chaque position sur un contrat à terme sur l'or.

Cela peut donner l'occasion aux investisseurs les plus modestes de quitter le marché de l'or en engrangeant quelques bénéfices.

«Il est évident que cela accentue la tendance baissière», a commenté M. Briggs, qui estime cependant que le métal jaune devrait «résister relativement bien».

«L'or possède une valeur intrinsèque, qui n'est adossée à aucun gouvernement ou institution financière», a expliqué M. Jessop, selon qui l'aggravation de la crise des dettes souveraines devrait permettre au prix de l'or de rebondir à moyen terme au-delà du seuil des 2000 $.