Avec les 3,75 millions de nouveaux compteurs qu'elle veut installer, Hydro-Québec sera en mesure de facturer ses clients tous les mois plutôt que tous les deux mois comme elle fait actuellement.

Ce changement serait à l'avantage de la clientèle, estime Hydro-Québec, qui soupèse actuellement cette possibilité. Tous les mois, la facture d'électricité serait moins élevée et permettrait une meilleure gestion budgétaire pour les clients qui ne sont pas inscrits aux modes de versements égaux, a expliqué la société d'État à la Régie de l'énergie.

La Régie se penche actuellement sur le remplacement des compteurs actuels par de nouveaux appareils qui permettront la lecture à distance, un investissement de 1 milliard de dollars pour Hydro-Québec.

C'est cher payé pour les maigres avantages qu'en retirera la clientèle, selon le syndicat qui représente les releveurs de compteurs, dont l'emploi disparaîtra avec le changement proposé.

«Est-ce que les clients d'Hydro-Québec meurent d'envie d'avoir une facture tous les mois plutôt qu'aux deux mois? s'interroge Ginette Paul, présidente du SCFP-2000. Je ne pense pas.»

Le syndicat estime que le projet constitue du gaspillage, puisqu'il remplacera des compteurs encore fonctionnels par d'autres qui ne feront rien de plus que mesurer la consommation d'électricité. Hydro n'a pas l'intention à court terme d'investir davantage pour rendre son réseau intelligent et permettre par exemple l'autoproduction et les tarifs différents selon le moment de la journée.

Pourquoi alors éliminer 800 emplois? demandent les syndiqués. Hydro a calculé que l'élimination de la relève manuelle des compteurs lui fera économiser 300 millions en 20 ans, soit 15 millions par année.

La porte-parole syndicale soutient que l'opération n'est pas aussi rentable qu'elle paraît. D'une part, l'investissement de 1 milliard d'Hydro-Québec poussera les tarifs d'électricité à la hausse, du moins dans un premier temps. L'impact favorable du remplacement des compteurs ne se fera pas sentir avant 2018, selon les propres estimations d'Hydro, précise-t-elle.

D'autre part, l'élimination de 800 emplois bien payés est une perte pour la société québécoise, soutient le syndicat. Il a calculé que le produit intérieur brut du Québec diminuera de 14,7 millions par année sans ces emplois et les retombées économiques qu'ils génèrent.

Campagne en or

Aucun des releveurs de compteurs d'Hydro-Québec ne se retrouvera au chômage à cause du remplacement des compteurs. La société d'État s'est engagée à replacer ailleurs dans l'entreprise les employés qui ne seront pas admissibles à la retraite, soit 300 personnes.

Mais, selon le syndicat, il reste que 1000 emplois de qualité, en comptant les emplois indirects, disparaîtront à Montréal et dans les régions, sans raison.

«Le remplacement des compteurs n'est pas une urgence, estime Ginette Paul. Le smart grid et la tarification différenciée dans le temps, ce n'est pas vrai que c'est un besoin pour la clientèle.»

Selon elle, ceux qui ont investi dans le smart grid le regrettent aujourd'hui. En Ontario, par exemple, le chef conservateur Tim Hudak a promis de mettre fin à l'installation de compteurs intelligents s'il est élu aux élections du 6 octobre. C'est injuste, selon lui, d'imposer «aux grands-mères de faire leur lessive dans le milieu de la nuit et aux parents de faire lever et doucher leurs adolescents avant 7h le matin».

Pour s'opposer à ce qu'ils appellent les «compteurs en or» d'Hydro-Québec, les syndiqués ont lancé une grande campagne de publicité à la télé, à la radio et sur l'internet.

Il s'agit d'une campagne qui peut aussi être qualifiée de dorée, puisque son coût élevé a nécessité le prélèvement d'une cotisation spéciale auprès des syndiqués. Le syndicat refuse de préciser ce qu'il lui en coûte pour tenter de gagner des appuis dans la population.

Sur leur site www.compteursenor.com, les employés invitent les gens à manifester leur opposition au projet d'Hydro en envoyant un message à la Régie de l'énergie. «Quelques milliers» de ces courriels ont déjà été reçus par la Régie, a indiqué le porte-parole de l'organisme, Pierre Méthé.

Une décision de la Régie sur ce dossier est attendue d'ici la fin de l'année.