Le géant de l'industrie allemande Siemens renonce à son activité dans le nucléaire, qu'il juge sans issue depuis l'abandon de l'atome civil en Allemagne, pour se renforcer encore dans les énergies renouvelables.

«Nous ne nous impliquerons plus dans la gestion totale de la construction de centrales nucléaires ou dans leur financement. Ce chapitre est clos pour nous», a déclaré Peter Löscher, PDG du groupe, dans un entretien à l'hebdomadaire Der Spiegel, rendu public dimanche.

«À l'avenir nous continuerons à livrer des pièces conventionnelles, comme des turbines à vapeur. Cela signifie que nous nous bornons à des technologies qui ne servent pas qu'au nucléaire, mais que l'on trouve aussi dans les centrales à gaz ou à charbon», a-t-il précisé.

Après l'émotion suscitée en Allemagne par la catastrophe de Fukushima, le gouvernement allemand avait décidé en mars d'arrêter immédiatement les plus vieux réacteurs nucléaires du pays puis de condamner les autres à l'horizon 2022.

«Cela a changé les choses pour nous», a reconnu M. Löscher.

Prudent, le patron de Siemens avait été l'un des rares en Allemagne à ne pas signer en 2010 une lettre ouverte émanant des poids lourds de l'économie allemande pour réclamer un allongement de la durée d'exploitation des centrales nucléaires du pays.

Il voit aujourd'hui dans la décision du groupe de se désengager totalement de ce secteur une «réponse à la position claire prise par la société et le monde politique en Allemagne».

Mais le PDG souligne que Siemens entend profiter, en tant que fournisseur de turbines à gaz et de matériels pour l'énergie éolienne et solaire, de cette nouvelle politique du gouvernement qu'il qualifie de «projet du siècle».

La principale conséquence concrète de ce virage stratégique pour Siemens est l'abandon d'un projet de coentreprise avec le groupe public russe Rosatom dans le nucléaire. Il «ne se concrétisera pas», a dit M. Löscher.

Dans les faits, les projets du groupe allemand dans le nucléaire avaient commencé à patiner bien avant la décision historique de la chancelière Angela Merkel d'abandonner cette énergie.

En 2009, Siemens avait été forcé d'annoncer sa rupture avec le groupe nucléaire français Areva et de vendre sa participation dans la filiale de réacteurs Areva NP.

Faute de pouvoir développer encore cette coopération en raison d'une opposition politique de la part de la France, Siemens avait préféré se tourner vers la Russie et commencer en mars 2009 à discuter avec Rosatom, dans un contexte de renaissance internationale du nucléaire.

«Les deux groupes sont toujours très intéressés par un partenariat. Mais il portera sur un autre domaine», a ajouté M. Löscher.

Il reste à connaître la réaction des Russes. En mars, Rosatom avait déclaré partir «du principe que Siemens appliquera la lettre d'intention dans son intégralité».

Les Russes ont fait preuve «de compréhension» lorsque Siemens les a informés, a assuré M. Löscher.

Cet Autrichien de 53 ans, arrivé en 2007 à la tête du conglomérat allemand, est l'artisan d'une restructuration profonde du groupe. Il a très tôt affiché son ambition de faire de Siemens un pionnier des technologies «vertes» et du développement urbain international.

Le groupe est en particulier un acteur majeur de la construction d'éoliennes au niveau international.