Les Américains ne sont pas tous assoiffés d'énergie ni pressés d'acheter l'énergie renouvelable d'Hydro-Québec. Le New Hampshire, par exemple, n'a pas besoin de l'électricité du Québec.

«Le New Hampshire produit plus d'énergie qu'il en consomme, explique Valerie Herres, qui s'oppose à la ligne de transmission qui traverserait l'État du nord au sud. Nous vendons de l'électricité aux autres États de la Nouvelle-Angleterre, comme le Massachusetts, le Connecticut et le Rhode Island».

Une partie de cette énergie est produite à partir de combustibles fossiles, dont le charbon et le gaz naturel, mais pas toute. «Nous produisons aussi de l'énergie nucléaire, de l'éolienne et beaucoup d'hydroélectricité», souligne Valerie Herres.

Pour elle comme pour beaucoup d'autres Américains, acheter de l'électricité du Québec n'améliorerait pas le bilan énergétique du pays. D'abord, l'électricité d'Hydro-Québec n'est pas considérée comme une énergie verte au New Hampshire, parce ce que les grands barrages qui servent à la produire inondent de vastes territoires et détruisent les écosystèmes. Ensuite, parce que l'achat d'électricité du Québec ne réduirait pas la dépendance énergétique des États-Unis envers des pays étrangers.

«Si vous vivez aux États-Unis et qu'un pays étranger et une compagnie étrangère veulent construire un centre commercial sur votre terrain pour leur profit, aimeriez-vous ça?», illustre-t-elle.

Le New Hampshire veut augmenter la part d'énergie renouvelable qu'il consomme, mais ses résidents veulent que cette énergie verte soit produite chez eux, et non à l'étranger.

«Il y a 65 producteurs indépendants d'électricité au New Hampshire, souligne  Roland Cotnoir, un autre résident de l'État.

Qu'est-ce qui va leur arriver? Est-ce qu'Hydro-Québec va les mettre en faillite?»

Les résidents du New Hampshire ont beaucoup d'autres raisons de s'opposer au projet Northern Pass. Comme ceux du Québec, ils craignent que leur coin de pays deviennent un corridor où plusieurs autres lignes seront construites pour alimenter les marchés du Sud plus énergivores qu'eux.

Roland Cotnoir, dont la maison est située au milieu d'un terrain de 155 acres avec une vue de 360 degrés sur les montagnes environnantes, en a perdu le sommeil.

Des pylônes de 90 à 135 pieds traverseront son terrain à l'ouest, là où sa femme et lui admirent le coucher du soleil sur les montagnes du Vermont depuis 1974.  Dans cette région, des études faites par des agents immobiliers ont commencé à circuler. Les propriétés pourraient perdre entre 45 et 75% de leur valeur si une ligne de transmission creuse une tranchée dans la vallée.

«Live free or fry»

Le North Country, comme on appelle cette partie du pays, est très prisée des touristes. De chez les Cotnoir, on aperçoit au loin The Balsams, le grand hôtel célèbre pour ses activités de plein-air dans une nature fabuleuse. La portion de l'Appalachian Trail située au New Hampshire est considérée comme une des plus intéressantes de ce sentier de randonnée long de 2180 milles qui traverse 14 États.

Comme beaucoup d'autres, Roland Cotnoir croit que les tours de transmission vont faire fuir les touristes. «C'est tout ce qui nous reste», dit-il en ajoutant que plusieurs usines ont fermé récemment dans la région, dont Ethan Allen, qui employait 250 personnes dans la fabrication de meubles.

L'opposition au projet Northern Pass est beaucoup plus active au New Hampshire qu'au Québec. Elle est aussi plus forte dans le nord l'État, là où les promoteurs doivent exproprier des terres pour faire passer leur ligne. Ailleurs, la ligne passera sur des terrains où les droits de passages sont déjà acquis.

Dans l'État dont la devise est «Live free or die», les opposants se rallient autour d'un site internet baptisé «Livefreeorfry.org». Sur les réseaux sociaux, dans les journaux locaux, on peut lire toutes sortes de choses sur les dangers pour la santé de vivre à proximité de lignes à haute tension.  Et aussi des mises en garde contre Hydro-Québec, qui voudrait se servir du New Hampshire pour augmenter ses profits afin de permettre au Québec de se séparer du Canada.

«Il ne s'agit pas d'une opposition organisée, explique Valerie Herres. Tout le monde travaille bénévolement».

C'est bien ça le problème, selon Roland Cotnoir. «Nous n'avons pas les millions qu'ont les promoteurs du projet pour faire passer notre message.» Il brandit la documentation en couleur distribuée par les promoteurs, où on voit des gens heureux et de superbes animaux sauvages. «Même l'orignal a l'air de sourire, s'indigne-t-il. Comment peut-on nous faire croire qu'une ligne de transmission peut rendre les gens heureux ?»

C'est Northeast Utilities, la société-mère du New Hampshire Public Service, un distributeur d'électricité de l'État, qui est le partenaire d'Hydro-Québec dans le projet Northern Pass. Ils promettent des retombées importantes pour la région, dont 1200 emplois pendant les trois année de la construction et 25 millions de dollars en taxes chaque année.

Roland Cotnoir ne croit pas un mot de ces promesses. «Est-ce que ce sera des emplois pour les gens du New Hampshire? Nous n'avons ni les hélicoptères ni les monteurs de lignes qui peuvent faire ce travail.»