La société montréalaise Kruger projette un investissement dans les centaines de millions de dollars pour accroître sa production de papier hygiénique pour le marché américain, a appris La Presse.

Cette expansion créera près de 100 postes permanents, en excluant les 200 à 300 emplois générés au cours des travaux de construction, d'une durée de deux ans.

Si ce projet est avancé, son emplacement n'est toutefois pas arrêté, d'après nos informations. Par une coïncidence cruelle, Kruger hésite entre agrandir son usine de Crabtree et agrandir son usine de Memphis, au Tennessee.

Si Kruger devait préférer le Tennessee pour l'ajout d'une machine à papier avec une capacité annuelle de 30 000 tonnes métriques, cette décision accablerait la région de Lanaudière. Elle ne s'est pas encore remise du départ annoncé des 1300 emplois d'Electrolux au pays d'Elvis.

Joint par téléphone, Jean Majeau, vice-président, communications, de Kruger, refuse de confirmer ou d'infirmer l'existence de ce projet d'expansion. «Conformément à notre politique, nous ne parlons jamais de nos projets», dit-il.

Investissement Québec, le nouveau guichet unique du gouvernement québécois pour les entreprises, confirme toutefois la nouvelle.

«On est en discussions avec Kruger pour le financement d'un projet», dit Josée Béland, porte-parole d'Investissement Québec, avant de préciser que c'est bien à Crabtree. Kruger est le principal employeur de cette petite ville de campagne située à 5 kilomètres de Joliette.

Kruger serait toutefois déçue des offres présentées jusqu'ici par Québec, selon un cadre de cette société papetière informé des discussions.

«Est-ce que le Québec perdra une deuxième bataille dans cette course aux emplois? demande-t-il. Est-ce que les élus devront encore une fois tomber en mode réaction au lendemain de l'annonce? Ou bien auront-ils été proactifs et auront su travailler de concert avec l'entreprise pour garder ces emplois dans la province?»

Avant d'être joint par La Presse, Investissement Québec croyait que Crabtree était la seule ville en lice. «Nos discussions sont très bonnes. Mais c'est évident que si Kruger se fait approcher par d'autres acteurs, on va voir ce qu'on peut faire», dit Josée Béland.

Les usines de Crabtree et de Memphis fabriquent les mêmes produits (papier-toilette, mouchoirs, essuie-tout), bien que sous des marques de commerce différentes. Au Québec, par exemple, Kruger fabrique du papier-toilette Cashmere; aux États-Unis, c'est du White Cloud.

Avec une capacité de 70 000 tonnes métriques, l'usine de Crabtree tourne à plein régime. Près de 700 salariés y travaillent.

Cette usine, encore connue sous son ancien nom de Papiers Scott, est relativement moderne. En 2002, Kruger l'a dotée d'une nouvelle machine à papier et de deux bobineuses. Québec avait subventionné et financé le quart (27,7 millions) de la facture qui totalisait 116 millions de dollars, en incluant les travaux effectués à l'usine de Lennoxville.

Avec une capacité de 100 000 tonnes courtes, l'usine de Memphis emploie pour sa part autour de 300 salariés, précise Jean Majeau.

Un concurrent féroce

Or, comme on l'a vu cette semaine, le Québec a du mal à rivaliser avec le Tennessee, un État qui fait preuve de largesses envers les entreprises dans l'espoir de venir à bout de son chômage élevé. Cet État américain a tendu un pont en or à la multinationale suédoise Electrolux pour qu'elle déménage sa production d'appareils électroménagers de L'Assomption à Memphis. À l'évidence, la poignée de millions offerts par Québec n'a pas fait le poids comparativement aux 132 millions US offerts par les différents ordres de gouvernement au Tennessee.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca