Hydro-Québec a procédé à la suspension de contrats prévus dans le projet de réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2 à Bécancour, a rapporté Le Nouvelliste dans son édition de vendredi.

La porte-parole d'Hydro-Québec dans ce dossier, Danielle Chabot, a expliqué que la société d'État s'affairait tout simplement à observer le déroulement de deux contrats de réfection de centrales CANDU comme la sienne, soit celle de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick et de Wolsong en Corée du Nord. «Le retour d'expérience va nous permettre de réviser le calendrier (des travaux de réfection) s'il y a lieu», a-t-elle déclaré.

Les écologistes qui suivent ce dossier de près depuis plusieurs années ne sont pas surpris de cette suspension de contrats.

Ils rappellent que le projet de réfection de la centrale de Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick, a 18 mois de retard tandis qu'en Ontario, on a choisi, en février dernier, de ne pas faire la réfection de Pickering B pour une question de non-rentabilité.

Signe que les choses ne vont pas aussi rondement que prévu, Hydro-Québec devait aussi soumettre à la fin de 2008 un document concernant la sûreté intégrée «et ils ont demandé à la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) de retarder ça jusqu'en décembre 2011», a rapporté le physicien nucléaire Michel Duguay de l'Université Laval qui s'est joint au Mouvement vert de la Mauricie pour demander le déclassement de la centrale de Bécancour.

Pourtant, a-t-il souligné lors de la conférence de presse tenue à Bécancour pour annoncer la réfection de la centrale, le président, Thierry Vandal, «disait que tout était beau et que tout allait bien», a rappelé le professeur Duguay.

Le Mouvement Vert a obtenu copie, en vertu de la Loi d'accès à l'information, d'un document de 268 pages rédigé en 2009 par la CCSN qui fait état 16 problèmes sérieux ayant trait aux réacteurs CANDU. «La plupart de ces problèmes sont reliés à une faiblesse fondamentale dans la conception», a résumé le professeur Duguay.

Ils «affectent tous les réacteurs CANDU et en particulier ceux de première génération, tels que Pickering B, Gentilly-2 et Point Lepreau», a expliqué le physicien nucléaire. Ces 16 problèmes, ajoute-t-il, «sont classés par la CCSN dans la catégorie 3, ce qui signifie qu'ils peuvent conduire à des accidents endommageant le coeur du réacteur et déverser de la radioactivité dans l'environnement», précise-t-il.

Les CANDU ont notamment un problème «de coefficient positif de réactivité nucléaire», a expliqué le professeur Duguay.

«Si un tuyau éclate - et c'est déjà arrivé plusieurs fois - et qu'il y a une baisse de pression, il se forme des bulles de vapeur dans l'eau et ça a pour effet d'accélérer les réactions nucléaires. En une seconde, une impulsion de surpuissance peut apparaître assez forte pour déposer en deux secondes assez d'énergie pour faire fondre les tuyaux de métal qui tiennent le combustible. Ils ne sont même pas sûrs des conséquences ultimes d'un tel accident, mais c'est ce qui est arrivé à Technobyl et à Three Mile Island», explique le physicien nucléaire.

S'il est une chose dont il faut aussi tenir compte, dans le projet de rénovation de Gentilly-2, c'est bien le coût, ajoute-t-il. «À Point Lepreau les coûts sont déjà 50 pour cent au-dessus de l'estimé initial. Les problèmes associés à Point Lepreau avaient d'ailleurs conduit Moody's, en août 2009, à abaisser la cote du Nouveau-Brunswick», a-t-il rappelé.

Les frais astronomiques du stockage des déchets nucléaires ne sont évidemment pas pris en compte dans le calcul des coûts de réfection de la centrale nucléaire. Si l'on se fie au projet de la Finlande, on peut facilement évaluer ce seul projet à quelque quatre milliards de dollars pour le Canada, selon M. Duguay.