Le rapport entre l'offre et la demande détermine les prix des biens et des services, mais il existe des exceptions. Par exemple, l'État réglemente certains prix, comme c'est le cas du lait, de l'électricité ou de certains médicaments au Québec.

La plus grande des exceptions et la mieux camouflée reste cependant le pétrole, affirme Thomas Porcher dans son essai Un baril de pétrole contre 100 mensonges.

Ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une ressource épuisable que le cours du brut flambe régulièrement. En fait, soutient-il, on ne connaît que le niveau apparent des réserves prouvées de pétrole sur la planète.

«L'une des erreurs des experts est de mettre tous les pays producteurs dans le même sac, alors que les pays de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) ont pour principaux concurrents les pays non OPEP», soutient-il.

Or, l'OPEP fonctionne en cartel. Elle (et surtout son leader l'Arabie Saoudite) cache l'ampleur de ses réserves véritables. Les autres producteurs exploitent leurs gisements en fonction de leurs intérêts propres, voire ceux des grandes sociétés pétrolières quand ils ne maîtrisent pas la technologie.

Stratégie de l'OPEP

Devant cette donne, la stratégie de l'OPEP a joué sur deux ressorts: s'assurer que le prix soit suffisamment élevé pour faciliter l'exploitation rentable de gisements concurrents afin qu'ils s'épuisent rapidement tout en faisant en sorte qu'il reste à des niveaux assez acceptables pour décourager la recherche d'options rentables. C'est ainsi qu'elle module sa production.

Cette façon de faire a bien fonctionné jusqu'à l'entrée de la Chine sur la scène mondiale qui a sonné le début d'une ère de prix élevés.

De toute façon, pour l'OPEP, le retard en R&D est assez grand aujourd'hui pour s'accommoder de cours élevés. Dès lors, pense Porcher, «sa stratégie unique consiste ainsi dans l'épuisement des réserves des pays non OPEP pour pouvoir être en monopole».

Plus les prix sont forts, plus les pays non OPEP vont exploiter leurs gisements. D'autant plus que la croissance de la demande reste forte. Chaque hausse d'un point de pourcentage de l'économie mondiale entraîne une hausse de 0,9% de la consommation mondiale. (En 2010, le PIB mondial augmente de 4% environ, selon l'OCDE.)

Les plus petits producteurs, qui n'ont pas de monopole d'État pour puiser la ressource, en confient l'exploitation aux grandes multinationales pétrolières.

Pour obtenir une rente maximale, ils mettent leurs gisements aux enchères. Or, explique Porcher, il y aurait collusion entre les grands groupes transnationaux pour faiblement enchérir afin de mieux se partager la manne.

Modèles décortiqués

L'essayiste décortique les modèles de partage de la rente. Quel que soit le modèle, les pays sont toujours perdants. Le pétrole devient l'objet de tensions internes plutôt que source d'enrichissement national.

Il analyse aussi (trop) en détail pourquoi sont voués à l'échec les programmes de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international de recours au pétrole pour lutter contre la pauvreté.

Porcher, qui ne dit pas un traître mot des sables bitumineux albertains, affirme que seule l'Arabie Saoudite détiendra encore beaucoup de pétrole au milieu du siècle. Cela en fera une puissance mondiale.

La raréfaction de la ressource obligera les pays consommateurs à modifier leurs habitudes. Si deux tiers d'un baril de brut sont transformés en carburant et perdus, l'autre s'en va à la production de plastiques présents partout dans notre quotidien et recyclables: depuis la carte à puces, jusqu'à l'ordinateur, sans oublier les emballages de fruits et légumes frais, souvent importés de l'autre bout du monde au prix d'une grande consommation de pétrole.

Bref, si l'exploitation bon marché de l'or noir a créé beaucoup de misère chez la plupart des pays producteurs, sa cherté fera désormais grincer les dents les habitants des pays consommateurs.

Un baril de pétrole contre 100 mensonges. Thomas Porcher. Res Publica. 2010. 203 pages.