Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, émet pour la première fois des doutes sur les efforts réels déployés par Shell pour étudier les deux offres d'achat de sa raffinerie de Montréal qu'elle a finalement rejetées vendredi. Il se demande même si la pétrolière avait vraiment l'intention de vendre ses installations.

Le responsable du comité de survie de la raffinerie, Michael Fortier, rencontrera les dirigeants de la société à Houston «pour voir la possibilité d'avoir des explications sur les raisons des refus des lettres d'intention et la possibilité de relancer les négociations», a affirmé le ministre à l'Assemblée nationale, hier.

Clément Gignac change de ton par rapport au discours qu'il tenait vendredi, à la suite de l'annonce du rejet des deux offres. Résigné, le ministre disait alors que la «priorité va maintenant aller à l'aide aux travailleurs et surtout à la diversification économique de l'est de Montréal».

Il indiquait que les dirigeants de Houston l'avaient «assuré qu'il y avait eu des discussions directes» avec les acheteurs potentiels et que c'était à eux d'expliquer leur décision. Il tournait la page, soulignant que «le gouvernement du Québec a tout fait ce qu'il pouvait faire dans ce dossier-là».

Samedi, Jean Charest a dû corriger l'impression laissée par la sortie de son ministre résigné. Et hier, relancé en Chambre par la députée péquiste de Pointe-aux-Trembles, Nicole Léger, M. Gignac a repris le discours du premier ministre et affirmé que le gouvernement «ne baisse pas les bras». «On ne peut pas accepter une simple fermeture», d'autant plus que les deux offres ont été rejetées «en dedans de 72 heures» seulement, a-t-il ajouté.

Pour prouver ses dires, le ministre a brandi une lettre qu'il a envoyée dimanche à la présidente de Shell Canada, Lorraine Mitchelmore. «Les travailleurs de Shell, le gouvernement du Québec et la population en général ont été surpris et déçus de la rapidité de votre décision à peine 72 heures après le dépôt de ces lettres d'intention», écrit-il.

Il se questionne ensuite sur les intentions de la multinationale. «Lorsque Shell nous avait accordé un sursis en janvier pour trouver un acheteur, vous nous aviez assuré que vous souhaitiez vendre la raffinerie. C'est sur cette prémisse que nous avions établi un comité pour trouver des acheteurs. Or, les événements des derniers jours laissent planer des doutes sur les réelles intentions de Shell.»

Il ajoute que le comité de survie - composé des travailleurs et des trois ordres de gouvernement - a donné le mandat à Michael Fortier de «poursuivre ses démarches» pour «relancer éventuellement les discussions». M. Gignac demande à Shell de rencontrer M. Fortier, «qui pourra également être mis au fait, et cela en toute confidentialité, des motifs ayant amené votre entreprise à rejeter aussi rapidement les offres des acheteurs». Cette rencontre aura bel et bien lieu, a dit M. Gignac en Chambre, ajoutant que M. Fortier est déjà parti à Houston.

À Nicole Léger qui lui demandait les motifs du refus des offres, Clément Gignac a répondu que «ce n'est pas au ministre du Développement économique d'être au courant des détails», car il s'agit d'une «transaction privée». «C'est Michael Fortier qui a amené les offres à la compagnie, c'est à Michael Fortier qu'on va expliquer les raisons du refus», a-t-il ajouté.

Comme l'indiquait La Presse hier, l'un des deux groupes intéressés à acheter la raffinerie insiste pour poursuivre ses discussions avec Shell, malgré le refus de la multinationale.