Le nouveau projet d'entente entre Hydro-Québec et Énergie NB prévoit que les réseaux de transport et de distribution resteront la propriété de l'État du Nouveau-Brunswick, ce qui pourrait amadouer l'opposition à la transaction.

Une nouvelle version de l'entente qualifiée d'historique entre Hydro-Québec et le Nouveau-Brunswick sera annoncée aujourd'hui à Québec et à Fredericton. Ce changement de cap est la preuve que les deux parties avaient grandement sous-estimé l'impact politique de la transaction.

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Dans les faits, toutefois, les changements prévus auront peu d'impact sur les bénéfices que les deux parties espèrent obtenir de la transaction. «C'est toujours une bonne entente pour Hydro-Québec», affirme Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et spécialiste en énergie.

Hydro ne deviendra pas propriétaire des réseaux de transport et de distribution, ce qui privera la société d'État québécoise des revenus associés à ces deux activités, reconnaît-il. En revanche, Hydro-Québec ne sera pas mêlée à la gestion quotidienne du réseau du Nouveau-Brunswick et aux requêtes d'augmentation de tarifs, ce qui est une bonne chose, selon lui.

Hydro agira comme grossiste sur le marché du Nouveau-Brunswick, comme c'est le cas dans ses autres marchés d'exportation.

Autre avantage, le prix d'achat baisse de 4,75 milliards à 3,2 milliards de dollars, une économie de 1,55 milliard pour Hydro. La rentabilité prévue de 10% par année dès la première année resterait la même.

En outre, même si elle ne devient pas propriétaire du réseau de transport du Nouveau-Brunswick, Hydro-Québec en conserva l'accès pour acheminer de l'électricité aux États-Unis. Le reste de la capacité disponible sur le réseau du Nouveau-Brunswick, soit 670 mégawatts, sera louée à long terme par Hydro-Québec lors de la conclusion de la transaction, selon les informations disponibles.

Ces dispositions ne calmeront pas la colère de Terre-Neuve, qui s'oppose à la transaction qui risque de la priver d'un accès au marché américain.

Pour le Nouveau-Brunswick, l'avantage de la transaction consiste toujours en un gel de tarifs pour les clients résidentiels et une réduction du coût de l'électricité pour les entreprises. La réduction des tarifs industriels sera toutefois moins importante, passant de 30% à 20%, dans le but d'apaiser le courroux des consommateurs résidentiels qui trouvaient l'avantage consenti aux entreprises disproportionné.

Le reste de la transaction annoncée en octobre dernier ne changera pas: Hydro-Québec fait l'acquisition des centrales hydroélectriques d'Énergie NB et deviendra propriétaire de la centrale nucléaire de Point-Lepreau une fois sa réfection terminée.

Les autres installations de production d'électricité à partir d'énergie fossile demeureront la propriété d'Énergie NB et fonctionneront tant qu'Hydro-Québec en aura besoin pour alimenter le marché du Nouveau-Brunswick.

L'entente d'approvisionnement porte sur une quantité de 14 térawattheures par année, soit à peu près la consommation actuelle du Nouveau-Brunswick, à un prix de gros de 7,5 cents pour les consommateurs résidentiels. Les consommateurs industriels du Nouveau-Brunswick paieront 10% de plus que ceux du Québec, ce qui répond aux craintes des entreprises québécoises qui craignaient de perdre leur avantage concurrentiel. L'énergie nécessaire au-delà des 14 térawattheures sera fournie par Hydro-Québec selon les conditions du marché.

Même si le Nouveau-Brunswick conserve sa mainmise sur le réseau de transport et le réseau de distribution de l'électricité, il n'est pas certain que l'entente modifiée fasse taire l'opposition à la transaction, estime Yves Gagnon, professeur à l'Université de Moncton et membre de la chaire environnement KC Irving.

Selon lui, le lien de confiance entre la population du Nouveau-Brunswick et son gouvernement est rompu. «Le premier ministre Shawn Graham avait promis en campagne électorale de ne jamais vendre Énergie NB», a-t-il rappelé hier au cours d'un entretien téléphonique.

Selon lui, la population se sent flouée par le gouvernement, qui a négocié un accord avec Hydro-Québec sans consulter personne, pas même le conseil d'administration d'Énergie NB.

Le professeur Gagnon estime que l'avenir d'Énergie NB devrait faire partie d'une stratégie énergétique et non être l'objet d'une transaction qu'il faut absolument conclure avant le 31 mars. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déjà prévenu qu'à défaut de conclure l'entente avec Hydro-Québec, les tarifs d'électricité augmenteraient sensiblement à partir du 1er avril.

«Le ciel ne nous tombera pas sur la tête le 1er avril», estime Yves Gagnon, parce que le prix du pétrole reste relativement bas.

Coïncidence ou pas, une entreprise du Nouveau-Brunswick propriété du groupe Irving vient d'annoncer son intention de construire un nouveau lien pour le transport de l'électricité entre le Nouveau-Brunswick et les États-Unis. «Ça fait partie des alternatives qui auraient pu être étudiées par le gouvernement. Mais seule la transaction avec Hydro-Québec a été considérée», déplore-t-il.