La société papetière AbitibiBowater continue de subir une forte chute de ses revenus alors qu'elle tente encore d'éviter la faillite, au septième mois de sa protection judiciaire contre ses créanciers.

Selon ses plus récents états financiers déposés auprès des autorités financières, et consultés par La Presse Affaires, les revenus d'AbitibiBowater étaient encore en baisse de 37% à son troisième trimestre, sur une base annualisée.

Facteur atténuant: il s'agit d'une baisse comparable à celle déclarée pour l'ensemble des neuf premiers mois de l'exercice, ce qui suggère que la société papetière serait en voie de stabiliser la chute de ses revenus.

N'empêche, ses revenus d'un peu plus de 1 milliard US au troisième trimestre étaient inférieurs de 700 millions US à leur niveau d'un an auparavant.

Par ailleurs, la société papetière semble avoir endigué son déficit d'exploitation grâce aux nombreux arrêts d'usines et aux licenciements de centaines de salariés depuis un an.

Pour son troisième trimestre, terminé le 30 septembre, AbitibiBowater affiche un déficit d'exploitation de 33 millions. C'est quatre fois moins élevé que les 159 millions comptabilisés un an plus tôt.

En contrepartie, le déficit net de la société papetière au troisième trimestre a gonflé considérablement au-delà des 500 millions, pour le deuxième trimestre consécutif. Ce gonflement résulte surtout des énormes frais de restructuration (301 millions) inscrits pour les seuls mois de juillet, août et septembre.

Parmi les principales sources de revenus d'AbitibiBowater, c'est encore la plus grosse d'entre elles - le papier journal - qui a subi la pire dégradation de ses résultats d'exploitation.

Au troisième trimestre, ses revenus provenant de la production et la vente de papier journal étaient en baisse marquée de 52% par rapport à l'an dernier.

Quant au marché du papier pour magazines et circulaires, au deuxième rang chez AbitibiBowater, la chute des revenus demeure aussi inquiétante. Elle atteignait encore 40% au troisième trimestre, sur une base annualisée.

L'ampleur de ces baisses de revenus de la plus grosse société papetière canadienne reflète la faiblesse du marché de la presse écrite, en pleine crise des revenus publicitaires.

Mais aussi, ces baisses de revenus chez AbitibiBowater reflètent l'impact des nombreux arrêts de machines à papier dans son réseau d'usines en Amérique du Nord depuis un peu plus d'un an.

Ces arrêts, temporaires ou permanents, équivalent au retrait d'un million de tonnes en capacité de production annuelle. C'est presque 20% de la capacité antérieure d'AbitibiBowater.

Les plus récents arrêts de production, annoncés en septembre, impliquaient cinq usines, dont deux au Québec, à Beaupré et Clermont. Au moins 460 salariés sont touchés dans ces deux usines.

Par ailleurs, près de 7000 autres salariés et quelque 9000 retraités d'AbitibiBowater au Québec ont leur sort encore lié à l'issue de sa restructuration financière pour éviter la faillite.

Cette situation a incité les syndicats de travailleurs des industries papetière et forestière à réclamer une assistance spéciale des gouvernements.

Mais encore récemment, au début de novembre, le ministre québécois du Développement économique, Clément Gignac, indiquait que le gouvernement Charest attendait «un plan d'affaires viable» de la part d'AbitibiBowater avant de décider d'y investir ou non en capital, par l'entremise d'une société d'État.

Jusqu'à maintenant, deux sociétés d'État québécoises sont intervenues à hauteur de 615 millions en tout dans le processus de restructuration d'insolvabilité d'AbitibiBowater.

Dès le début de ce processus, en avril, la société Investissement Québec avait consenti une garantie de prêt d'urgence de 100 millionsUS à la société papetière afin de lui éviter la faillite immédiate.

Par la suite, Hydro-Québec a convenu de racheter pour 615 millionsCAN la part de 60% détenue par AbitibiBowater dans une centrale hydroélectronique sur la Côte-Nord. L'autre part de 40% appartient au producteur d'aluminium Alcoa (40%).

Cette transaction constituait un élément majeur du renflouement des liquidités de la société papetière, afin qu'elle poursuive sa restructuration d'insolvabilité.

Néanmoins, lors de son approbation en cour le mois dernier, la somme de 615 millions convenue avec Hydro-Québec avait été qualifiée de «généreuse» par le contrôleur comptable, en comparaison avec de récentes transactions de centrales hydroélectriques au Canada.

 

LA SITUATION D'ABITIBIBOWATER S'AGGRAVE

3e TRIMESTRE 2009 (VAR. UN AN)/ NEUF PREMIERS MOIS (VAR. UN AN)

Revenus 1,09 milliard US (-37%) /3,24 milliards US (-37%)

Perte d'exploitation 33 millions US (4 X moins) /332 millions US (-10%)

Perte nette (après frais de restructuration) 511 millions US (+69%)/ 1,24 milliard US (+54%)

Déficit de l'avoir des actionnaires 1,67 milliard US (4,5 X plus) /s.o.

Source : AbitibiBowater