Hydro-Québec voulait acheter de l'électricité générée par la biomasse et donner en même temps un coup de pouce à l'industrie forestière, qui est très souffrante actuellement. Son appel d'offres a doublement raté la cible.

Des soumissions totalisant seulement 65,6 mégawatts ont été déposées au terme de l'appel d'offres qui visait à en obtenir le double, soit 125 mégawatts. Et seulement deux des 10 projets proposés à Hydro ont été soumis par des entreprises du secteur des pâtes et papiers.

Le problème, c'est que la plupart des entreprises de ce secteur qui auraient normalement sauté sur cette occasion de diminuer leur facture énergétique tout en encaissant des revenus supplémentaires de la vente d'électricité à Hydro-Québec ne sont pas en assez bonne santé pour investir dans la cogénération.

La cogénération permet de transformer les déchets de l'industrie en énergie, qui peut être vendue à Hydro, et en vapeur, qui peut être utilisée dans les procédés de fabrication de papier ou de pâte.

Les deux entreprises forestières qui ont «osé» répondre à l'appel d'offres d'Hydro-Québec sont Papier Fraser, dans l'Outaouais, et SFK Pâte, au Lac-Saint-Jean. Tous les autres projets viennent d'entreprises qui gèrent des lieux d'enfouissement des déchets.

Mauvais timing

Le timing de l'appel d'offres d'Hydro-Québec était très mauvais pour les entreprises forestières, explique Pierre Vézina, spécialiste des questions énergétiques au Conseil de l'industrie forestière du Québec. «À cause de ses difficultés actuelles, l'industrie est incapable de financer les investissements nécessaires.»

De plus, les résidus des scieries, qui constituent la matière première de choix pour la cogénération, se font plus rares parce que de nombreuses usines de sciage ont cessé leurs activités. «Comme 50% de la capacité des scieries est fermée, on se retrouve à court d'écorces», explique-t-il.

À côté, les entreprises qui exploitent des lieux d'enfouissement sont avantagées, parce que leur matière première est abondante et ne leur coûte rien.

Deux projets importants totalisant 40 mégawatts ont été remisés en raison la conjoncture, celui de Kruger à Bromptonville et celui d'Abitibi-Bowater à Gatineau.

Boralex, filiale de Cascades, voulait investir 65 millions de dollars dans un projet de cogénération à Port-Cartier, mais n'a pas pu obtenir le financement avant la clôture de l'appel d'offres d'Hydro-Québec. «On avait l'intention de proposer quelque chose, mais le délai était trop court», a expliqué la porte-parole de Boralex, Sophie Paquet.

Ce n'est pas la première fois qu'Hydro frappe un mur avec la cogénération. En 2005, à la suite d'un appel d'offres, Hydro avait reçu deux fois plus de puissance que ce qu'elle demandait, soit 592 mégawatts alors qu'elle voulait en acheter 350 mégawatts. Mais aucune des soumissions n'avait finalement été retenue, parce que l'énergie produite avait été jugée trop coûteuse par Hydro.

«On peut en conclure que faire de la cogénération avec de la biomasse, c'est difficile», estime Pierre Vézina.

Au Conseil de l'industrie forestière, on espère qu'Hydro donnera une deuxième chance à l'industrie quand la situation économique sera meilleure.

Chez Hydro-Québec, qui nage dans les surplus pour encore plusieurs années à venir, les piètres résultats de l'appel d'offres de cogénération à la biomasse ne sont pas une catastrophe. Ce serait plutôt le contraire.

Mais pourquoi continuer de faire des appels d'offres alors que les surplus s'accumulent? C'est à la demande du gouvernement que ces appels d'offres sont lancés, répond-on à la société d'État.