La hausse abrupte du prix de l'essence à 1,15$ le litre hier à Montréal a entraîné une sortie musclée de CAA-Québec, qui juge injustifiée cette nouvelle flambée à la veille d'un week-end.

Selon l'organisme de défense des automobilistes, le coût «réaliste» aurait dû être 1,109$ à la pompe. «Et déjà à ce prix, les détaillants ne nous feraient pas de cadeau; ce serait un prix qui refléterait les indicateurs pétroliers», a lancé Sophie Gagnon, directrice des relations publiques et gouvernementales chez CAA-Québec.

Le carburant surfe aujourd'hui à son niveau le plus haut depuis le sommet de 1,50$ atteint l'été dernier, au pic de la bulle pétrolière. Le litre a bondi de plus de 7 cents dans la seule journée d'hier à Montréal.

Le CAA a profité de cette hausse pour dénoncer une autre pratique des pétrolières, hier. Selon une étude du groupe, les stations-service montréalaises ont majoré leurs prix à sept reprises à la veille des onze derniers week-ends. Or, cinq de ces augmentations «ne peuvent s'expliquer par des hausses des indicateurs pétroliers sur les marchés», soutient l'organisme.

Des milliers d'automobilistes, qui profitent des week-ends pour faire de longs trajets, ont été pénalisés par cette situation, fait valoir le CAA.

Les marges de détail empochées par les marchands d'essence - qui incluent les profits et les coûts d'exploitation - étaient en outre trop élevées pendant la période étudiée, d'après le CAA. Les marges ont oscillé entre 6,6 et 11 cents le litre, note-t-on, beaucoup plus que la moyenne de 4,7 cents observée depuis un an à Montréal.

Foutaise, répondent les vendeurs d'essence, souvent accusés de gonfler leurs prix à l'approche des congés. «Cette théorie des longues fins de semaine ne tient pas, c'est une légende urbaine», a lancé à La Presse Affaires Carol Montreuil, vice-président de l'Institut canadien des produits pétroliers.

Selon M. Montreuil, il ne faut pas s'attarder à des hausses subites comme celle d'hier pour juger des profits des détaillants, mais plutôt regarder les marges brutes sur une plus longue période. Les marchands doivent parfois vendre le carburant tout près du prix coûtant à cause de la concurrence, note-t-il, ce qui influence les moyennes.

Quoi qu'il en soit, un fait demeure: les marges récentes des détaillants sont en réelle progression à Montréal.

D'après les chiffres de la Régie de l'Énergie, la marge de détail moyenne s'est élevée à 6,6 cents le litre en mai à Montréal, comparativement à 4,7 cents pour les 12 derniers mois, 4,5 cents en 2007 et 3,5 cents l'année précédente.

Dans l'ensemble du Québec, la marge a atteint 5,6 cents le litre en mai, et 5,5 cents en moyenne au cours de la dernière année.

Et cet été?

À la veille du début des vacances estivales, plusieurs automobilistes attendent avec appréhension de voir si le prix à la pompe grimpera encore. Les économistes prédisent que le baril de pétrole perdra quelques plumes au cours des prochains mois, ce qui devrait se répercuter sur le coût de l'essence.

Le baril a clôturé à 71,37$US hier sur le Nymex, en hausse de 0,34$. C'est moitié moins que ce qu'il valait l'été dernier, mais beaucoup plus que son creux de 33,87$ atteint il y a six mois.

«Quand on regarde l'équilibre entre l'offre et la demande, la poussée à la hausse du prix du pétrole ne semble pas économiquement justifiée; les inventaires sont encore très élevés et on pense que de ces gains-là pourraient être repris», a expliqué Pascal Gauthier, économiste à la Banque TD, pendant un entretien.

Selon lui, le baril devrait baisser à environ 65$US d'ici la fin de l'année, pour remonter jusqu'à 80$ d'ici la dernière partie de 2010.

Mathieu D'Anjou, économiste chez Desjardins, entrevoit lui aussi une baisse à court terme entre 60$ et 70$, «puisque les fondamentaux ne sont pas encore là pour justifier une hausse qui se poursuivrait à court terme».

Par ailleurs, le ministre québécois des Ressources naturelles, Claude Béchard, a rappelé hier qu'il a demandé à la Régie de l'énergie de lui présenter d'ici l'automne des solutions qui permettront aux Québécois d'obtenir plus d'informations sur les fluctuations du prix de l'essence, rapporte La Presse Canadienne.

Le gouvernement ne pourra toutefois pas contrôler les prix, a-t-il souligné.